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O sort malheureux ! Des hommes capables de sentir, de penser, et de concevoir comme tous autres ! L’esclavage n’étoit pas réservé à nos pères ; ils avoient reçu des liens trop pesans pour eux, qu’ils nous transmettaient dès notre naissance, et successivement à tous nos descendans. À peine avons-nous ouvert les yeux à la lumière, que ces chaînes effrayantes frappoient notre vue, accabloient nos foibles bras, et nous privoient de la douce communication des hommes éclairés.

Capables de connoître le bien, comme tous les hommes, nous voyons la beauté de l’aurore comme eux ; nous nous ressentons de la douce haleine des zéphirs qui viennent modérer l’ardeur de cet astre bienfaiteur, universel, qui donne la fécondité à ce que nous confions à la terre ; accoutumés et endurcis au travail, nous recueillons, mais pour des hommes qui n’ont pas semé ; nous leur amassons des trésors, dont nous ne profitons pas ; nous les servons, sans espoir de voir enfin le terme de nos maux. Si des tyrans, sur la terre, trouvent une jouissance à appesantir leur courroux sur des créatures innocentes, ce qui peut nous consoler, c’est l’espoir de vous trouver sensibles à notre réclamation, et la confiance que nous avons dans votre justice. Oui, sages législateurs, si la liberté, cette loi naturelle étoit venue enrichir nos idées, nous saurions, comme nos voisins,