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chroniques
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quoique bien souvent prétendant le contraire, voit dans les lois qu’il a forgées pour expliquer les phénomènes, non pas un moyen de décrire l’univers, une notation commode inventée par lui pour son usage personnel, mais le vrai Dieu omnipotent qui dispose de toutes choses, les ordonnant selon son gré. Maintenant qu’il a délimité le domaine de sa connaissance, la privant soigneusement de tout ce qui pouvait faire sa noblesse, les incursions dans l’Absolu, il n’est pas de mépris dont il n’accable ceux qui crurent à la possibilité d’une science transcendante, non pas asservie à des fins utilitaires, mais capable de donner vraiment « le lieu et la formule ». C’est tout au plus si les savants et les philosophes actuels condescendent à regarder occultistes et alchimistes comme des précurseurs, daignant noter que la recherche de la Pierre Philosophale, par exemple, a conduit fortuitement à la découverte de bien des corps, que du reste l’idée de la transmutation des métaux n’est pas en désaccord avec les hypothèses actuelles sur la structure de la matière et qu’elle a trouvé depuis peu un début de vérification expérimentale dans certains phénomènes de radio-activité, — remarquant aussi, par ailleurs, que la magie a toujours eu une influence sur la philosophie et qu’il est possible, entre autres choses, de rattacher Hegel et les Philosophes de la Nature allemands à Jacob Bœhme, à Paracelse et aux mystiques alexandrins. Ces philosophes et ces savants modernes, si soucieux de certitude, si étrangers aux conjectures, si peu ambitieux, et ne cherchant à satisfaire qu’une si piètre curiosité, ont tout réduit à leur mesure. Ils feignent de ne voir dans les alchimistes que de vulgaires souffleurs, guidés par une banale cupidité ou perdus dans de pauvres recherches qu’ils n’avaient ni l’intelligence, ni les moyens de réussir. Encore les accusent-ils bien plus souvent de pure et simple mauvaise foi. Ils oublient que beaucoup étaient des inspirés, qui poursuivaient en premier lieu la construction d’un absolu palpable, l’élaboration d’une substance concrète recélant tous les secrets et susceptible de leur livrer les forces cachées de l’univers, admirable revendication de liberté…


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PERSONNAGE JETANT UNE PIERRE À UN OISEAU Joan Miró

Écrite par John Dee (1527-1607), astrologue et géographe d’Élisabeth d’Angleterre, et dédiée à Maximilien « Roi des Romains, de la Bohême et de la Hongrie », la Monas Hieroglyphica est un bref traité hermétique composé de 24 théorèmes (dont le contenu, du moins quant aux principaux, semble être pour chacun en rapport symbolique avec le nombre qui désigne la place occupée par lui dans le cours de l’ouvrage), et de plusieurs figures et tableaux.

« Les premières lettres mystiques des Hébreux, des Grecs et des Romains formées par Dieu seul, et transmises aux mortels (quelque chose que puisse objecter l’arrogance humaine), ainsi que tous les signes qui les représentent ont été produits par des points, des lignes droites et des périphéries de cercles… » — « Théorème premier. — C’est par la ligne droite et le cercle que fut faite la première et la plus simple démonstration et représentation des choses, aussi bien non-existantes que cachées sous les voiles de la nature. »[1] Tels sont les principes sur lesquels se fonde la méthode kabbalistique de John Dee, méthode qui, jointe à l’interprétation mystique des nombres et des hiéroglyphes des astres, lui permettra d’établir qu’une figure nommée par lui « monade hiéroglyphique », et composée de cer-

  1. Voir dans Denys l’Aréopagite (Les Noms Divins, chapitre IV), le passage relatif à l’analogie des mouvements des intelligences célestes et des mouvements de l’âme : circulaire, oblique, direct.