Page:La Révolution surréaliste, n12, 1929.djvu/40

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UN CHIEN ANDALOU



La publication de ce scénario dans « La Révolution Surréaliste » est la seule que j’autorise. Elle exprime, sans aucun genre de réserve, ma complète adhésion à la pensée et à l’activité surréalistes. Un Chien Andalou n’existerait pas si le surréalisme n’existait pas.

Un film à succès, voilà ce que pensent la majorité des personnes qui l’ont vu. Mais que puis-je contre les fervents de toute nouveauté, même si cette nouveauté outrage leurs convictions les plus profondes, contre une presse vendue ou insincère, contre cette foule imbécile qui a trouvé beau ou poétique ce qui, au fond, n’est qu’un désespéré, un passionné appel au meurtre.

L. B.



PROLOGUE


IL ÉTAIT UNE FOIS…


Un balcon dans la nuit.

Un homme aiguise son rasoir près du balcon. L’homme regarde le ciel au travers des vitres et voit…

Un léger nuage avançant vers la lune, qui est dans son plein.

Puis une tête de jeune fille, les yeux grands ouverts. Vers l’un des yeux s’avance la lame d’un rasoir.

Le léger nuage passe maintenant devant la lune.

La lame de rasoir traverse l’œil de la jeune fille en le sectionnant.


Fin du prologue.


HUIT ANS APRÈS.


Une rue déserte. Il pleut.

Un personnage, vêtu d’un costume, gris foncé, paraît à bicyclette. Il a la tête, le dos et les reins entourés de mantelets de toile blanche. Sur sa poitrine est assujettie, par des courroies, une boîte rectangulaire rayée, en diagonale de noir et blanc. Le personnage pédale machinalement, le guidon libre, les mains posées sur les genoux.

Le personnage vu de dos jusqu’aux cuisses en P. A. surimpression en sens longitudinal de la rue dans laquelle il circule de dos à l’appareil.

Le personnage avance vers l’appareil jusqu’à ce que la boîte rayée soit en G. P.

Une chambre, quelconque à un troisième étage dans cette rue. Au milieu est assise une jeune fille vêtue d’un costume aux couleurs vives, elle lit attentivement un livre. Elle tressaille tout à coup, elle écoute avec curiosité et se débarrasse du livre en le jetant sur un divan tout proche. Le livre reste ouvert. Sur une des pages on voit une gravure de La Dentellière de Vermeer. La jeune fille est convaincue maintenant qu’il se passe quelque chose : elle se lève, fait demi-tour et va vers la fenêtre, d’un pas rapide.

Le personnage de tantôt vient de s’arrêter, en bas, dans la rue. Sans opposer la moindre résistance, par inertie, il tombe avec la bicyclette dans le ruisseau, au milieu d’un tas de boue.

Geste de colère, de rancune, de la jeune fille qui se précipite dans les escaliers, pour descendre à la rue.

G. P. du personnage étendu à terre, sans aucune expression, dans la position identique à celle du moment de sa chute.

La jeune fille sort de la maison en se précipitant sur le cycliste et l’embrasse frénétiquement sur la bouche, les yeux et le nez. La pluie augmente jusqu’au point de faire disparaître, la scène précédente.

Renchaîné avec la boîte dont les raies obliques se superposent sur celles de la pluie. Des mains