sa sortie, mais il ne savait comment l’amener, et, d’un autre côté, il eût bien voulu rester.
Il lança, à tout hasard :
« Vous m’avez tout à l’heure promis de m’employer ; je suis à votre service. »
Elle sauta sur cette proposition, ayant trop peur de rester seule :
« Si je n’étais pas indiscrète, je vous demanderais de m’aider. Figurez-vous que je n’ai pas trouvé d’agence mortuaire ; vous savez, les gens qui, moyennant une certaine somme, se chargent d’expédier toutes les corvées à votre place. À Paris, ces agences-là sont à l’affut des décès, mais, dans notre sotte petite ville, il n’y a rien. Jusqu’ici je m’en suis tirée tant bien que mal. Cependant il me reste à envoyer les lettres de faire-part, et j’en ai une masse. Mon pauvre ami connaissait tant de monde ! Si ce n’était pas trop abuser de vous, je vous prierais de m’aider. Écrivez-vous lisiblement ?
— J’ai une cursive convenable.
— À merveille, je vais vous mettre à contribution. »
Et tout de suite, elle courut à travers le salon pour l’installer ; elle se trouvait subitement heureuse de n’avoir pas à veiller seule, dans le silence, côte à côte avec cette chose rigide. Elle tira une table près de la fenêtre ouverte, la débarrassa des petits objets qui l’encombraient, plaça au milieu un grand buvard à coins mordorés, avec un encrier massif en cristal, mit en équilibre au coin une pile d’enveloppes à bordure noire, et, d’un joli geste, offrit la plume à Moige.
Il fut envahi d’une énorme satisfaction, et se dit : ça marche. Il s’assit devant la table, dans le fauteuil bas où Tardieu donnait ses répétitions, se carra.
« Il y en a 400 à faire, lui dit-elle ; tenez, vous écrirez, je vous dicterai pour aller plus vite. Il faut que nous expédions cela dans la nuit, » Moige esquissa un rond-de-poignet et resta la plume en l’air. Un carnet d’adresses à la main, elle commença résolument :
Monsieur et Madame Roux-Lerond, |
11, rue Pavée, |
Paris. |
Après elle, il reprit, énonçant les mots à mesure qu’il les écrivait : « Monsieur et Madame… Roux-Lerond… 11, rue Pavée… Paris… Et ensuite ? »