Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/273

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semaine du combat dans les rues. En somme Rossel était plus sérieux.

— Dombrowski ?

— Comment a-t-il pu se laisser aller à ce point qu’on pût le soupçonner de trahison ? Il fut ramené par les gardes nationaux au moment, a-t-on dit, où il allait passer les lignes prussiennes pour filer à l’étranger. À l’Hôtel de Ville il pleura : « Et dire qu’ils croiront que je les ai trahis. » Eh bien, non, il n’a pas trahi. Mais il était écœuré de voir les officiers réguliers qui composaient son état-major le trahir, il avait perdu confiance. J’ai souvent été aux avant-postes avec lui, jamais il ne marchanda sa vie. D’ailleurs, il fut, comme on sait, tué en combattant. Il avait d’excellentes troupes. Ce n’étaient pas, je le répète, des troupes de carton, mais des gaillards résolus, aguerris, ayant du cœur au ventre, ne demandant qu’à marcher. On a trop dit que la garde nationale ne formait pas une armée sérieuse. Des 240 000 hommes qui la composaient, la Commune en eut un bon tiers à sa disposition. Tous les jours leur nombre diminuait, mais à la fin il en restait encore pas mal, et solides au feu.

— Vous croyez à des traîtres parmi les officiers d’état-major ?

— Voulez-vous les voir à l’œuvre, ces messieurs de l’état-major ? Voici. C’est le dimanche après-midi que Ducatel livra la porte de Saint-Cloud et que les Versaillais entrèrent. Si la porte était dégarnie, c’est qu’on avait affirmé aux deux bataillons qui la gardaient que les troupes qui devaient prendre leur place étaient à deux pas de là. Il n’était pas dans l’usage des défenseurs de la Commune d’abandonner un poste purement et simplement.

Dès que je connus la dépêche de Dombrowski annonçant l’invasion de Paris, j’allai à la guerre avec Gambon trouver Delescluze. Il pouvait être cinq heures et demie. Delescluze s’écria. « Qu’est-ce que vous avez à la Commune ? Depuis que j’ai reçu cette prétendue nouvelle, j’ai envoyé aux avant-postes officiers d’état-major sur officiers d’état-major ; l’ennemi n’est pas entré. — Etes-vous bien sûr de vos officiers ? — Oui, ils m’ont toujours paru des hommes sûrs. Si un m’avait trompé, vingt ne m’auraient pas trompé. — Je crois que vingt ont pu vous tromper. Et je m’en vais là-bas de ce pas. Mais faites réunir immédiatement les gardes nationaux disponibles de la 7e légion, » — ce dont fut chargé Parizel, un des élus du viie arrondissement. Nous arrivons aux avant-postes, nous constatons la présence des Versaillais en deçà des portes. Mais la nuit venant, ils n’osaient pas avancer, ils avaient la conviction qu’ils allaient tous sauter (ils croyaient Paris miné) et étaient complètement démoralisés. Deux prisonniers amenés à Delescluze nous le dirent.

Je pensais trouver réunie la 7e légion, ne fût-ce qu’au nombre de deux mille hommes. Le plan eût été de les lancer avec beaucoup d’artillerie, à la faveur de la nuit, de les faire entrer comme un coin au milieu de la masse versaillaise hésitante, de faire au besoin