Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion



électeurs armés acceptaient pour chefs nombre de jeunes hommes actifs, intelligents, courageux, gens d’action qui avaient combattu non seulement l’Empire, mais la gauche parlementaire du Corps législatif ; qui pendant le siège avaient voulu renverser cette gauche organisée en comité de capitulation nationale ; qui s’apprêtaient à combattre le gouvernement de Thiers. Ceci devenait politiquement insupportable, d’une durée révolutionnaire dangereuse. Il fallait faire mettre à genoux, il fallait décapiter Paris.

Il est inutile de s’étendre longuement sur les fautes respectives des deux adversaires : on apprécie suffisamment aujourd’hui l’incurie du plan d’attaque Thiers-Vinoy et de son exécution le 18 mars ; l’incurie non moins grande des chefs révolutionnaires, étourdis de l’insuccès du gouvernement et refusant de suivre le conseil simpliste d’Eudes de marcher dans la nuit même du 18 au 19 sur Versailles ; la défense si mal comprise de Paris par les chefs militaires de l’Hôtel de Ville recommençant, plagiant la défense du premier siège, oubliant totalement la défense intérieure de la ville qui était la seule redoutable, témoin la lenteur avec laquelle l’armée de Versailles s’avança pendant la semaine sanglante ; les violences policières de Rigault sans utilité ni résultat, et qui eurent pour seule fin d’exaspérer la population parisienne cependant si hostile à l’Assemblée ; les timidités de l’Hôtel de Ville dans les grandes lignes de son action politico-militaire (affaire de la Banque, etc.). Il est inutile de revenir sur l’abominable semaine de mai ; j’ai été des premiers à flétrir tout haut, avec noms à l’appui, les crimes de ces sept jours dont la responsabilité retombe, il faut le dire et le redire, sur Thiers et l’Assemblée.

Ce qui est intéressant pour votre enquête c’est un coup d’œil sur les conséquences du mouvement : elles sont nombreuses et diverses, mais quelques-unes sont majeures et ont eu un prolongement d’action, une forte portée sur l’histoire de ces vingt cinq dernières années.

Le premier résultat et le plus immédiat a été — malgré l’acquiescement de Thiers et de ses amis à la forme républicaine — une déperdition considérable de forces pour la République.

C’est vous dire à quel point je tiens la défaite de la Commune et la disparition des hommes qui ont combattu dans ses rangs, ces deux mois d’avril et mai, pour néfastes.

Dans ce sens je ne saurais admettre littéralement l’opinion assez en cours que la Commune de Paris a fondé la République. Non, malheureusement, la Commune ne l’a pas fondée ; si elle avait pu s’en mêler, la République eût été tout autre. Malgré l’adhésion de la France, des grandes villes surtout, la République, le pays républicain étaient matériellement plus faibles après la défaite de Paris en mai. Voilà la vérité de fait et de politique. Quand les partis royalistes n’eurent plus à redouter les vaillants, les fidèles, les militants, les parisiens républicains, ils commencèrent dès le mois de Juin 1871 la série de leurs conspirations monarchiques ; ils continuè-