Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/300

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pouvoir et l’esprit de niaise routine les avaient saisis, et ces hommes, tenus d’agir héroïquement et de savoir mourir, eurent l’inconcevable et honteuse naïveté d’adresser aux puissances des notes diplomatiques en un style qu’eussent approuvé les Metternich et les Talleyrand. Ils ne comprirent rien au mouvement révolutionnaire qui les avait portés à l’Hôtel de Ville.

Mais ce que ne firent pas les chefs, la foule sans nom sut le faire. Ils furent nombreux, 30 000, 40 000 peut-être, ceux qui moururent autour de Paris pour la cause qu’ils aimaient. Ils furent nombreux aussi ceux qui, dans l’intérieur de la Ville, tombèrent sous la décharge des mitrailleuses en criant : « Vive la Commune ! » On sait par les débuts de l’Assemblée Versaillaise que ce peuple égorgé sauva par son attitude, la forme républicaine du gouvernement français. Toutefois la présente république, bonne à tout faire pour le service du tsar et du kaiser, est tellement éloignée de toute pratique de liberté, qu’il serait puéril d’éprouver de la reconnaissance envers la Commune pour ce vain mot qu’elle nous a conservé. Elle a fait autre chose. Elle a dressé pour l’avenir, non par ses gouvernants mais par ses défenseurs, un idéal bien supérieur à celui de toutes les révolutions qui l’avaient précédée ; elle engage d’avance ceux qui veulent la continuer, en France et dans le monde entier, à lutter pour une société nouvelle dans laquelle il n’y aura ni maîtres par la naissance, le titre ou l’argent, ni asservis par l’origine, la caste ou le salaire. Partout le mot « Commune » a été compris dans le sens le plus large, comme se rapportant à une humanité nouvelle, formée de compagnons libres, égaux, ignorant l’existence des frontières anciennes et s’entr’aidant en paix d’un bout du monde à l’autre.

M. Jean Grave


directeur des Temps nouveaux, qui n’a pris aucune part à la Commune ; mais dont il nous a paru curieux de recueillir l’opinion, — celle d’un révolutionnaire d’aujourd’hui sur les révolutionnaires d’alors.

Ce que je pense de l’organisation parlementaire, financière, militaire et administrative de la Commune se résume en très peu de mots.

Elle a été trop parlementaire, financière, militaire, administrative et pas assez révolutionnaire.

Pour débuter, alors que, tous les jours, les bataillons de fédérés se réunissaient à leurs lieux de rendez-vous, attendant les ordres pour marcher sur Versailles, mouvement dont l’urgence éclatait aux yeux de tous, le Comité Central, sous prétexte qu’il n’avait