Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/656

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Vous n’avez jamais essayé de forcer un coffre-fort ?… Hé bien c’est très dur. Et quand on s’est donné beaucoup de mal, savez-vous ce qu’on y trouve, dans les coffres-forts ? Des titres nominatifs, rien que des titres nominatifs, et parfois des papiers de famille, des cachets de douches sulfureuses, un livret militaire, et des cartes d’entrée périmées pour l’exposition du cercle Volney… C’est comme pour se faire entretenir par les femmes. Mais, mon cher monsieur, pour trouver une bonne place de souteneur, c’est aussi difficile que d’entrer au Conseil d’État.

PETITBONDON

Alors, il faut vous trouver quelque chose de plus facile.

CHAMBOLIN

S’il vous plaît.

PETITBONDON

Que diriez-vous du vagabondage ? De trois mois à six mois d’emprisonnement.

CHAMBOLIN

Va pour le vagabondage. Je suis vagabond stagiaire depuis quelques jours. Je vais passer vagabond en pied, vagabond officiel. Quelles sont les formalités ?

PETITBONDON

Mettez vos plus vieux habits.

CHAMBOLIN

J’ai mis les plus neufs… Mais ce sont les mêmes, entre nous… On dit que Georges Brummel ne voulait jamais mettre d’habits neufs, qu’il faisait porter les siens par ses domestiques, avant de les endosser. Brummel trouverait sans doute que j’ai un peu exagéré ses théories de dandysme. Regardez-moi ce veston, et cet aimable gilet gris, seul survivant d’un complet gris qui eut, ma foi, son heure d’élégance.

PETITBONDON

Hé bien, maintenant, il ne vous reste plus qu’à vagabonder.

CHAMBOLIN

Mais, malheureux, je ne fais que ça depuis quatre jours.

PETITBONDON

Et vous avez rencontré des agents ?

CHAMBOLIN

Si j’ai rencontré des flics ! Il n’en manque pas. J’en rencontre tous les quarts d’heure.

PETITBONDON

Et ils ne vous disent rien ?

CHAMBOLIN

Ils ne sont pas familiers… Non, je ne réussis pas à attirer l’attention des flics ; non plus d’ailleurs que celle des gendarmes. Car j’ai