Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/72

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seins, elles portent des corselets de tissus que garnissent des joyaux composant par leur assemblage la forme de plantes fabuleuses. Leur chevelure répandue coule d’un petit bonnet en treillis d’argent. Aux cimes de leurs seins de gros rubis scintillent. Les courtes jupes de lanières noires et vertes terminées par des boules d’or creux, flottent contre les selles de velours. Aux mors des chevaux se suspendent des éphèbes, nus également depuis les mamelles jusqu’aux caleçons de satin blanc qu’un soleil en pierreries illustre à l’endroit du sexe. Des bottes souples en peau blanche couvrent leurs jambes et leurs cuisses. Les dextres tiennent un thyrse, ou un caducée. Surmontés par les ailes décloses de colombes, de petits casques coiffent leurs chevelures.

D’autres, montés sur des chevaux noirs, soufflent dans de fines trompettes. Des femmes robustes marchent contre leurs étriers. Elles ont la gorge soutenue par des réseaux de pourpre, la robe faite de canevas noir où s’engagent des roses jaunes. À la tête, elles portent des tiares de myosotis.

Viennent des hommes géants, aux barbes ondulées et semées de paillettes. Des couronnes royales les sacrent. Les poils de leur torse sont jaunis de henné. Ils montrent toute la beauté de la vigueur virile. Ils retardent l’impatience des lévriers en laisse, des molosses, des lionceaux, des antilopes, et des cerfs. Certains portent des pelles, d’autres des pioches brillantes, ceux-ci des leviers de cuivre fourbi, ceux-là des marteaux dorés, d’autres élèvent des équerres et des truelles au bout de hampes écarlates. En un char bas qu’ils traînent, une machine de métal rouge s’avance. Son volant, ses bielles d’acier poli, luisent plus froidement contre l’autre métal qui garde l’éclat sombre du fer incandescent. Dans leurs vêtements cramoisis, les usiniers défilent, en armée, derrière ce char. Tous ont au chapeau la ramille verte et sur l’épaule un caducée de bois. Suivent les scribes, vêtus de noir, puis les chinois en robes de soie brune, et deux cents fillettes à pied, avec des oiseaux privés sur les doigts, des cannes d’ivoire, des tuniques blanches à traîne, des couronnes de lauriers aux cheveux. Ensuite mille ballerines, par essaims, qui dansent chacun, un pas différent. Les doigts sonnent sur les tambourins. Les ongles frôlent les cordes des lyres. Les poings menus agitent les sistres et choquent des cymbales. D’aucunes, dans des gaines écailleuses, se tordent comme les ophidiens ; et des perruques d’argent frissonnent contre leurs joues. Au milieu d’ailes violettes, d’autres bondissent sur leurs jambes vigoureuses, les seins passés à travers les ouvertures oblongues des corsets bleus. Corolles aux jambes vertes, des fleurs tournent. Tout un escadron représente les minéraux. Il passe des idoles de diamant, de topaze, de saphir ; de vivantes statues en granit, en malachite, en marbre clair. Avec une fille d’or, une d’argent, une de fer, une de cuivre, les métaux s’irradient. Des adolescentes simulent les créatures de l’eau, algues et poissons. Leur lente chorégraphie marque l’indolence des corps qui flottent.

O cette armée de danseuses ! Elle se déroule durant une heure entière. Hors des collèges, des lycées, des gymnases, toutes les filles de quelque beauté s’étaient rendues à la parade. Sur la nudité de leurs membres une sorte de fard met une moirure miraculeuse, en