Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/175

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Dieu de la logique, de l’intelligibilité de l’existence, rendue compréhensible même pour des idiots — les « libres-penseurs » types, comme les « idéalistes » et les « belles âmes » sont tous des décadents[1] — bref une certaine intimité étroite et chaude, bannissant toute crainte qui s’enferme dans l’horizon rétréci de l’optimisme et permet l’abrutissement… De cette façon j’ai appris peu à peu à connaître Épicure, le contraire d’un Grec dyonisiaque, et le Christ qui, en fait, n’est qu’une façon d’Épicure, et qui avec son principe : « Bienheureux ceux qui croient » pousse l’hédonisme aussi loin que possible, jusque par delà toute probité intellectuelle… Si j’ai quelque avance sur tous les psychologues, c’est que je possède un peu plus d’acuité dans ce genre de conclusions, si difficile, si captieux, où l’on commet tant d’erreurs : conclusion de l’œuvre à l’auteur, de l’action à l’acteur, de l’idéal à celui qui en a besoin, de toute façon de penser et d’apprécier au besoin correspondant sous-jacent. À l’égard des artistes en tout genre, je me sers ici de cette distinction capitale : est-ce la haine contre la vie, ou est-ce la surabondance de vie qui est devenue créatrice ? Dans Gœthe, par exemple, la surabondance fut créatrice ; dans Flaubert ce fut la haine : Flaubert, une nouvelle édition de Pascal, mais artiste, ayant comme base cette formule qui était instinct en lui : « Flaubert est toujours haïssable, l’homme n’est rien, l’œuvre est tout[2]. » Il se torturait quand il composait absolument comme Pascal se torturait quand il pensait — tous deux ressentaient inégoïstement… « Abstraction de moi » — voici le principe de décadence[3] fin de la Volonté dans l’art comme dans la morale.

Wagner, apôtre de la chasteté

I

Entre la sensualité et la chasteté, il n’y a pas nécessairement opposition ; tout bon mariage, tout véritable amour de cœur est au-delà d’une telle opposition. Mais en admettant que cette opposition existe réellement, elle n’aura pas, de longtemps, un caractère tragique. Il en devrait être ainsi du moins pour tous les mortels qui, plus enjoués et d’une meilleure venue, sont loin encore de compter cet équilibre instable entre l’ange et la bête au nombre des principes contradictoires de l’existence, — les plus fins, les plus clairs, comme Hafis et Gœthe, y ont même vu un attrait de plus… De telles contradictions vous attirent justement vers la vie… D’autre part, il se comprend trop bien que lorsque les infortunés animaux de Circé sont amenés à adorer la chasteté, ils n’en voient et n’en

  1. En français dans le texte.
  2. En français dans le texte.
  3. En français dans le texte.