Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/423

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— Comme on serait bien ici, dit Georgette Quel petit nid !

Elle se serrait contre lui, et l’orage, dehors, lavait les vastes champs nus. L’orage s’effondrait et s’épanouissait, vantard des forces supérieures toujours présentes. Il mangeait toute la plaine. Oh ! s’il avait voulu, tout ce que la terre pousse, tout ce que l’homme rêve, il aurait tout détruit. Mais il passait seulement. Eux, étaient à l’abri. Elle se serrait contre lui.

— Comme on serait bien ici, dit-elle. Quel petit nid !

Nid sans beaucoup de duvet, mais tout petit, ce qui le rendait désirable. Vêtement à nos tailles ; si bien que, sans gêne, sans aide, on aurait pu le mettre. On eût dit un objet à personne, qu’on trouve ; on l’aurait ramassé, si la terre ne l’avait si fortement tenu.

À personne ! Une ruine si gaie, toute pimpante ! Elle était tout au bord du plateau vaste, dominant d’un coteau le vieux fleuve de Seine, caché dans sa vallée. Il s’était perché là comme un château antique, nid d’homme de proie, barrant l’unique route : le fleuve, et défendant les champs paisibles, roi de la plaine, bandit des eaux.

Non. Plus loin, dans le village, des murs garnis encore de leurs mâchicoulis rappelaient un château-fort, qui servait comme étable. Mais ici c’était simple villa de gens à l’aise, petits rentiers venus finir là une vie de plaisance. Morts, sans doute.

Or, les bandits avaient reparu sur la plaine. Nul château-fort ne la défendait plus. Vînt la guerre ! La villa s’était faite citadelle, s’était bien débattue avant qu’on la violât. Mais elle en était morte, son cri de colère poussé, lasse, s’était rendormie, ses habits déchirés, nue et toute livrée. Comme nul n’était venu, la nature l’avait prise. Elle était là, depuis vingt ans, couverte de fleurs.

— Oh ! Sais-tu ce que je songe, Jean !

— Dis !

— Si tu savais…

Il savait. Même pensée, devant ces ruines si jeunes ; il devinait, il mesurait… Qu’eût il fallu ?

Pour redonner un peu de joie humaine à ces pierres, à peine il y avait à déplacer quelques ronces…

— Ici, dis, notre chambre. Qu’on l’arrangerait bien. Une petite terrasse d’où l’on verrait Paris. Tu ferais ça, en remblayant la terre ; c’est très facile. Tu sais, des vignes vierges, toutes rouges ! Ça encadre bien..

Alors on ferait pousser tout ce dont on a besoin, alors on vivrait là, on s’aimerait bien, tous les deux… et alors…

— Tu es folle !

— Puisque c’est à personne.

— C’est toujours à quelqu’un,

— Est-on sûr ?

Puisque nul ne s’en sert, même ne s’en soucie ! Il faudrait si peu de chose… Les peupliers qui se balancent, inutiles, seraient venus étayer les murailles ; l’herbe eût fait place aux fruits, les rats aux