Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/424

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poules ; et les pierres, qui gênent seraient remontées aux murs dont elles sont descendues.

— Est-ce à quelqu’un ? À qui ?

C’est à… Regarde : c’est à Vendre.

Épouvantails pour que les oiseaux ne touchent pas aux fruits, sur tout ce dont vit l’homme, ou dont il pourrait vivre, même sur les maisons vides, sur les champs sans cultures, des écriteaux semblables écartent le bonheur. Défense de vivre ici. Sinon, paye. Mais à qui ? Ce n’est plus au château, l’on en fit une étable. Jadis oui, plaines, bois, fleuve, route et gens, tout lui payait rançon, car il protégeait tout. Aujourd’hui… Ce poteau où tu peux lire : À vendre.

Monte par les gradins que forme ce mur en ruine, jusqu’au faîte. Hisse-toi. Regarde. — L’orage abattu, le ciel est pur. Très loin, très-loin l’on voit. Des champs, des bois des villes ! Précises sur l’horizon lavé, des milliers de maisons serrées, de quoi loger, et tous ces champs ! de quoi nourrir… une famille ! deux ? plusieurs humanités ! Mais jette un homme, un seul, tel qu’un grain au sillon, dans l’étendue infiniment fertile, pas un repli de sillon ne le sera pour lui. Maisons closes, sol avare. Tout le repousse, l’élimine. Dans une terre mauvaise, la bonne graine jetée n’est qu’un caillou de plus.

— Ah ! labourer, le soc bien profond, là-dedans… Cette terre ne serait plus mauvaise…

La nuit tombe.

Voici le frais du soir, qui s’insinue, et fait si douces les étreintes ! Rêves sombres, pourquoi revenus ! Les quelques heures de liberté vont finir. Les désirs de l’impossible viendront-ils les gâter ?

Jean se cramponne au peu de son bonheur présent, repousse les joies futures qui font la bouche amère pour celles d’aujourd’hui. Du tout de suite ! Ne sommes-nous pas bien, tous deux, tous trois, ici, maintenant ?

Non, car il faut rentrer.

Vivre là ! Faire de cette ruine sa maison ! Ils y suffiraient bien eux-mêmes, abattant, bâtissant. Quelle joie au travail qu’abreuve l’espérance, et dont on verra le fruit, et dont on le mangera ! Vivre là ! N’est-ce pas qu’elle ferait pousser des fleurs ? Les poules et les lapins seraient de la famille, et peut-être, quand on serait riche, un petit âne mènerait au village voisin. Comme le petit Jacques serait gai et venant bien !

Le petit Jacques a froid, il est très fatigué. Le père le prend sur son dos, et las, sans dire un mot, l’on revient vers la ville. L’on revient du bonheur. L’on revient de l’impossible De l’impossible, pourquoi ? Pourquoi cette maison vide, ces pauvres vides de chez eux ?

S’adresser chez Maître un tel, notaire, telle rue. Voilà le chemin. Il est impraticable. Pas de sentier qui coupe. Il importe à la