Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/93

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du peuple-roi, ivre de sang, de vin et de volupté, furieux, défendant chaque rue, chaque maison contre les soldats de Vespasien, épouvantable et grandiose, tandis que, lamentable épave, son dernier César est traîné vivant aux latrines, une épée sous le menton, des crachats sur sa face blème et convulsée de terreur, dont la bouche tremblante ne sait que répéter : « Je suis pourtant l’empereur ! »


C’est dans cette apothéose d’horreur et d’ignomimie que s’écroula le rêve anarchiste des premiers Césars. Lorsque, après la prospérité bourgeoise des Flaviens et des Antonins, Commode voulut reprendre l’œuvre de Néron, on vit, à la grossièreté de ses pensées et de ses actes, à sa passion ridicule pour les organes du plaisir, ces symboles sensibles du rêve néronien, la décadence profonde de l’idée. Le peuple l’aima pourtant à tel point que Sévère, épris de popularité, dut le mettre, malgré les imprécations du Sénat, au rang des dieux. Mais, représentant d’une pensée qui se mourait, il n’eut point de successeurs. L’avenir appartenait désormais au christianisme : le Règne de la Grâce allait commencer, au lieu du Règne de la Nature.

Albert Delacour