Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/262

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— N’hésite plus.

— Je n’hésiterai plus.

— Agis.

— Que ferai-je ?

— Tout ce que tu pourras.

— Que puis-je ?

— Tu le verras. Ton bras saura bien mesurer…

— Quand ?

— Tout de suite.

— Mais… prisonnier…

— Tout de suite…

— Ah ! que les murs de la prison s’ouvrent, et j’agirai !

— Non… On ne sait pas. Tu ne voudras plus. Il sera trop tard. Fais tout ce que tu pourras, tout de suite, sans compter.

Ta vie n’est rien. Toi ! — D’autres…

D’autres encore…

Et des milliers… millions. Tous ! Chacun ce qu’il peut.

Si tu peux frapper, frappe. La force est seule Dieu.

Si tu ne peux que parler, parle, pour que d’autres frappent. Tâche de convaincre. Et si tu peux, écris, n’importe où, ni comment. Frappe de toutes façons, par les mots, quels qu’ils soient, qu’ils entrent dans les têtes sortis de tes mâchoires, ou gravés de ton couteau sur des murs de prison, ou sur les arbres comme font les amoureux, ou mieux encore, les mots, les mots… à la volée ! par ces sillons que tracent les lignes dans un livre.

Qu’importe ! Flamme, fais ton devoir. Flambe, pétille, étincelle, tout ce que tu peux, consume et fume seulement, couve en dessous, ou même, si c’est mouillé, sèche, réchauffe un peu… — C’est toujours un peu de chaleur qui a passé.

Et toi, les mains liées, tu peux crier peut-être. Tu ne peux pas frapper, eh bien ! crache au visage ! Crie ! Mais l’on te bâillonne. Mords… Non, tu ne peux plus rien. Tu es au fond de ta prison… Nul cri ne s’entend, tu es à merci…

Eh bien ! « veux ! » Veux de toutes tes forces. Tu ne sais pas… Peut-être… Tu crois que cela ne s’entend pas, une volonté ardente…

Tu te trompes. Rien de ce qui sort du néant n’y rentre. Les astres savent-ils qu’ils nous éclairent ? Non. Toi, qui dans l’ombre veux et presses, pèses, entasses, contre la digue si forte qu’elle soit, de ces murs, toute ta volonté que tu crois impuissante…

Tu ne sais pas… Peut-être cela éclaire, bien loin !


Rayonne. Éclaire le monde du fond de ta prison. Ici, tête douloureuse, si longtemps contenue, tu es au large, tu te répands, t’épanouis…

À genoux ! Oui, le corps cède à la tête trop lourde. À deux ge-