Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/267

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Quand tout le mal qu’on n’a pas pu faire, on l’a rêvé…

Oh ! n’importe quoi. La terre nue,., Où ça, — c’est même meilleur : — un grabat de prison…

On dort. On dort.


Et en dormant on s’imagine des bonheurs ! On a conscience qu’on dort, car on ne dort pas très bien. Sommeil autour duquel il se passe des choses… Sommeil anxieux qui doit se réveiller de très bonne heure… Dormir !

Bah ! c’est si bon, si nécessaire, il faut tellement… Il faut, ne fût-ce que pour souffrir mieux demain matin, — il faut !

Puis, quoi ? On ne croit plus à une foule de choses. Les révoltes sont passées ; on ne les a pas vengées. Tout dort. Chut ! Écoutez… — C’est le pas du gardien. La ronde de nuit… Le gardien s’assure que tout dort.

Quand tout, autour de lui, ici, complote sa mort…


Sommeil d’un peuple… Hélas ! On lui prit tant de sang ! Laissez-le reposer, qu’il s’en refasse un peu, avant de lui demander ne fût-ce que ça d’effort !

Il dort, exténué. On est tranquille : il dort…


Oh ! non ! tout ne dort pas ! Cela semble. Ce n’est pas… Ou ce sommeil est troublé d’étranges cauchemars… De visions qui parlent tout haut quelquefois… Qui parlent, qui crient, et qui se lèvent la nuit, dit-on, et qui font peur, et qui font terriblement peur…

Sommeil mauvais d’après la mauvaise journée

Non, non ! Il ne faut pas… Réveille-toi. Debout ! Allons, de gré ou de force, réveille-toi. Debout !


Oh !… Quelles pensées hideuses… Je ne sais où je suis. Est-ce que je rêvais ! Sans doute, c’est la prison, auberge habituelle de ces songes détestables, qui m’a fait voir, m’a fait penser…

Ou bien, c’est eux… — eux qui pour se promener prennent les terres qu’on cultive, qui pour se faire beaux prennent sur le lit des petits enfants les couvertures, qui prennent les femmes aussi, et prennent même le travail, la peine, oui… même la peine !

La lutte, quoi ! Ils sont les vainqueurs. C’est leur droit !

Vainqueurs. Pourquoi ! Il n’y avait pas à lutter. Il y avait assez sans rien se disputer… Vainqueurs, couverts de gloire ! Est-ce bien de la gloire ! — Mais non, ce n’est que de la haine. C’est toute notre haine !