Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/269

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La maison sombre aux hauts murs jaunes troués de noir, elle est là. Triste, sale. Il en retrouve la puanteur. À distance, le malheur même sentait bon. Mais il est revenu. D’ailleurs, c’est comme avant. On tousse, là-haut, on se cogne, en bas ! La mansarde… tout au faîte, c’est là. Rien de changé…

Est-ce que le petit Jacques ne l’attend pas aussi, riant, guettant les poches : Petit père ! Rapportes-tu quelque chose ?

Non. Les mains vides… Il rentre, l’âme seule bourrée de plus de haine… Le petit Jacques l’attend peut-être… Pas ici. Ni là-haut dans la mansarde… Plus bas, plus bas, sous terre… — Petit père, dis ! tu viendras ?

— Je viendrai… oui. Tout à l’heure… Dors. Je vais venir…


Elle, — Georgette — l’attend. L’aurait-elle deviné ? La lucarne… On dirait qu’elle s’ouvre… Les vitres remuent…

Non. Ce n’est rien. Le soleil ! — le soleil qui se joue.

Elle est là, cependant. Elle ne se doute pas…

Un rayon de soleil éclaire la maison…

Longs mois d’attente, tassés comme une tumeur qui gonfle, — le mal, le mal qui tend la peau, tire le sang… — des mois, des mois d’attente qui veulent s’épancher… — Un rayon de soleil crève le mal à point.

Elle — là ! — derrière la vitre où se joue le soleil…

Ah ! tout ce temps, comment a-t-elle vécu ! Comment ? — Pas de nouvelles… C’était à croire qu’on oubliait…

La ville, ce n’est pas une prison où l’être, bien clos, enferme amours, tendresses et vice, crime, rêve, et tout ! — tout, hermétiquement, pour que rien ne s’en aille… Les autres se chargent de le nourrir… — oui, d’autres… la société, — pour conserver intacte, à l’abri de tout souci, même de la faim, cette âme mauvaise ! — Mais la ville, la ville touffue, fébrile, où l’âme s’éparpille… Georgette… Georgette…

Un rayon de soleil éclaire la maison…

Dans un rayon de soleil jadis, elle, — Georgette — toute gaie, toute de soleil, — soleil âme et cheveux, — elle était venue à lui… Le déjeuner fumait entre les deux assiettes, et son rire entre ses lèvres, vers ses cheveux, fumait d’or…

Un jour il l’emmena vers les champs et les bois.

Il l’attendit. Elle vint. Il l’attendit, extasié, sans faire un pas, n’osant pas, ou craignant peut-être qu’un mouvement de lui fasse aller le temps plus vite…

Elle vint, elle vint, toute de soleil, et lente, si lente, que cela dura, ce bonheur-là, on ne sait pas… — si lente, le plus lentement possible, elle vint vers lui, — toute soleil, sur la terre, ainsi que dans du ciel, si bien que l’on ne voyait pas qu’elle avançait…

Elle vint. Il l’eut.

Voici la maison. Je viens à toi… Flamme ! flamme de tes yeux !