Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/271

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Les phalènes, la nuit, vers les clartés des lampes, éblouis, laissent traîner leur lourd vol enfantin. Pourtant les étoiles brillent — pas si fort, pas si gros ! — les étoiles là-haut ! — y aller, y aller ! — Les phalènes ont des ailes, ils pourraient essayer.

Les femmes ont des yeux qui semblent bien un rêve. Mais non. Un rêve… — c’est qu’il s’y mire d’autres yeux. Toi, quand tes bras se tendent, c’est parfois vers la nuit. Elles, il faut que ce soit vers quelqu’un, quelqu’un d’ami. La nuit, dehors, c’est froid ! les étoiles, c’est très loin. La lampe est douce, il fait meilleur, il fait plus clair. Et pas toute seule surtout… Il faut bien quelqu’un, là. Quelqu’un d’ami… Même qu’on aimerait moins que toi. Mais quelqu’un… quand ce ne serait que pour songer à toi.

Puis, il faut rire. On croit que leurs lèvres s’ouvrent, toujours rien que pour des baisers, rien que pour moi. Non. Quelquefois, oui… on est gentille, on aime bien. Mais d’ordinaire, elles s’ouvrent, c’est pour rire simplement.

Et pour manger aussi… Oh ! oui… de bonnes choses…

Et ces seins qui s’avancent, et ce corps qui se penche… Pour des caresses, non pas… Pour la danse, la danse…

Partie, aux joies de ce monde la belle s’en est allée.


O Messie, Rédempteur des hommes, pauvre diable ! Tu as cherché une foi pour agir… La voici.

Écoute… Dans le fond de toi-même, dans ton âme, ta conscience, — bien plus ! dans ton corps même, du bulbe des cheveux qui se dressent aux doigts de pied qui se crispent — sens, regarde, écoute, admire… Sens-tu bien comme cela fait… la foi, la Foi sincère, réelle, celle qui va agir, tout de suite… — celle qui agit.

Sens-tu comme l’être se tord, — les mains s’agitent, saisissent… on ne sait quoi ! mais les deux bras veulent étreindre… Et puis le cerveau fou, et qui veut s’envoler, tire, tire tout le corps, veut l’emporter… l’entraîne.

Alors — il semble qu’on était mille — on n’est plus qu’un. Les pensées, les déchets, bribes d’idées… toutes ces hésitations s’émiettent, fondent, foncent, sont rien. L’être entier, âme et corps, converge… On croit. On va.

Crever de faim devant des mangeailles entassées, grelotter de froid la nuit à la porte des palais, débattre son corps fébrile entre des murs de prison, chiner à la besogne fastidieuse de la vie, gémir dans la défaite sûre et irrévocable des idées ou patries pour la gloire desquels on serait mort joyeux, — bien plus ! devant des gens qui ne veulent pas comprendre, échec atroce de la pensée et de l’orgueil, crier, tâcher, vouloir de toutes ses forces, sous le flot des railleries, faire émerger un peu de sa conviction, à soi, de ce dont on est sûr, qui serait le bonheur de tous ! — ah ! même des enfants qu’on aime… les entendre, sans une croûte de pain chez soi, dire : J’ai faim ! — et