Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/451

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Flamme dévastatrice, ou foyer hospitalier, quoi que tu sois, lumière !

Toi seule qui redonneras un peu de tiède abri au pauvre être écorché de toutes ses croyances, à nu des mensonges chauds qui l’enveloppaient…

Lueur qui peux dissiper les ténèbres, surgir au ras de terre et du ciel… — bientôt !

Déjà ne fait-il pas plus clair autour de nous ?


… J’ai froid. Nuit éternelle. Un coq avait chanté. Nul autre n’a répondu.

Il fait clair cependant… J’ai cru la nuit passée ; j’ai rejeté les draps qui me couvraient, et j’ai froid. J’ai regardé vers l’Est, en me frottant les yeux…

Et j’attends le soleil.

Oh ! quand donc ! oh ! quand donc… Le soleil ! le soleil !

Aube froide. La nuit pâlit, et les étoiles, comme moi grelottantes, tremblotent ; une brume gerce la face du ciel. L’air humide gèle sur la peau, glace les os. Les couvertures que j’ai rejetées… où sont-elles  ! Là, à mes pieds… Mais je ne peux plus les atteindre. Engourdi, je ne peux plus… À moi, à moi ! Crier… je ne peux même plus, mes lèvres sont figées.

Et j’attends le soleil. Quand viendra le soleil !

— Debout ! lâche. Le soleil est là. Il fait grand jour.

Lève-toi, secoue tes membres, frotte tes chairs… Debout !

Le soleil. Peut-être bien qu’il ne se lèvera pas.

Entre toi et lui c’est tant de nuages et tant d’ombre ! Il est si las, depuis si longtemps qu’il chemine… Il ne percera pas cette brume glaciale qui le cache…

Mais va vers lui. Les monts dominent les nuages. Élève-toi, va vers lui ! Quand le soir, au bout de sa journée, il lave dans la mer ses pieds ensanglantés… bien au-dessous de toi tu verras le soleil !

Alors, douce sera la fraîcheur de la nuit, venant calmer ton front et tes membres brûlants… — non du soleil, mais d’avoir été vers lui.


— La Révolution, est-ce pour aujourd’hui ?

— Qui appelle ? Où es-tu ?

— Rien… laisse-moi… laisse-moi.

— Pourquoi t’es-tu levé en sursaut ? Que disais-tu ?

— Rien ! Laisse-moi… laisse-moi.

— Révolution ! Tu parlais de Révolution. Oh ! dis-moi… quel cauchemar…

— Rien… J’ai sommeil… Laisse ! Dors… Moi aussi, je vais dormir… Laisse-moi me rendormir…

« La Révolution, est-ce pour aujourd’hui ? »