Page:La Revue blanche, t14, 1897.djvu/75

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Regarde. Les yeux de ton fils se détournent même de la vie.

Ainsi se détournaient les yeux distraits des hommes ; et nul ne te suivra, même pour être heureux, dans ton domaine de rêve, pays où tous possèdent, où chacun reste chez soi.

Sors du rêve toi-même si tu veux qu’on comprenne. Agis, mais seul. Et si tu veux que l’on comprenne, parle à la main tendue, non aux cervelles closes.

Agis, agis. Bien vite ! Tu n’as pas le temps de chercher un aide. L’acte suffit à convaincre. Celui qui croit, agit. Mais songe que la vie est courte. Ce qui t’y attache se meurt. Bientôt, rouillé de misère, tu pendras comme une feuille après l’arbre sans sève qui ne te nourrit plus. Feuille qui vas tomber, saisis l’arbre dans ses fibres ; avant que le vent t’emporte, transplante la société…

— Agir… Seul.

Agir ! Les gens comprennent quand on frappe… Frappe donc.

Les religions qui naissent se révèlent par des miracles. Et celles qui s’en vont se raccrochent par des miracles…

Pour la Révolte, religion qui s’en va ou qui vient… — quel miracle… ? — Un prodige que puisse accomplir un seul homme. Une étincelle, une seule, rapide comme l’éclair, mais qui roulant répercutée par les nuages, effraye encore longtemps après qu’elle s’est éteinte…

Si tu étais vraiment un croyant, tu pourrais…

Tu révélerais la Bonne Parole. Tu te dévouerais. Fût-ce au prix de ta vie tu ferais un miracle…

Si tu étais vraiment un croyant, tu pourrais…

La suite au prochain numéro.
Eugène Morel