Page:La Revue blanche, t17, 1898.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tres. Ayant salué Catherine avec sa courtoisie habituelle, il se tourna vers sa fille :

— Eh bien, Éléonore, puis-je vous féliciter du succès de votre démarche auprès de votre gracieuse amie ?

— J’allais justement lui présenter ma requête quand vous êtes entré.

— Bien, faites tout votre possible. Je sais combien vous avez à cœur de réussir. Ma fille, miss Morland (et il continuait sans laisser à sa fille le temps d’intercaler un mot), a formé un souhait très téméraire. Nous quittons Bath, comme elle vous l’a peut-être annoncé, de samedi en huit. Une lettre de mon intendant m’a appris que ma présence à la maison est indispensable ; et, déçu dans mon espoir de voir ici le marquis de Longtown et le général Courteney, deux de mes plus anciens amis, rien ne me retient à Bath. Si nous pouvions mener à bien un projet qui nous intéresse et qui vous concerne, nous quitterions la ville sans un seul regret. Pourriez-vous vous décider à quitter bientôt cette scène de triomphes, et nous faire la gracieuseté d’accompagner votre amie Éléonore dans le Gloucestershire ? J’ose à peine vous soumettre cette requête ; vous pourrez la trouver présomptueuse ; et, si elle était connue dans Bath, tout le monde la jugerait plus présomptueuse encore : vous êtes si modeste… Mais cette modestie, je m’en voudrais de la faire souffrir par une louange trop directe. Si vous consentiez à nous honorer de votre visite, vous nous rendriez heureux au-delà de toute expression. Il est bien vrai que nous ne pouvons rien vous offrir qui soit comparable aux plaisirs de cette ville en fête : nous ne pouvons vous attirer ni par les distractions ni par le faste ; notre manière de vivre, comme vous le savez, est simple et sans prétention. Cependant nous ferons tous nos efforts pour que vous ne vous ennuyiez pas trop à Northanger Abbey.

Northanger Abbey ! quels mots impressionnants ! Ils mirent Catherine en extase. Une invitation si séduisante et faite avec tant d’insistance ! Tout ce qui pouvait l’honorer et la flatter, toutes les joies présentes et les espoirs futurs s’y impliquaient. Elle accepta avec empressement, sous la seule réserve de l’approbation de papa et de maman.

— Je vais écrire à la maison tout de suite, dit-elle. Et s’ils ne font pas d’objection… Oh ! je suis sûre qu’ils n’en feront pas !…

Le général Tilney n’avait pas moins bon espoir. Déjà il avait parlé à ses excellents amis de Pulteney Street et avait obtenu leur agrément.

— Puisqu’ils peuvent consentir à se séparer de vous, de qui ne pouvons-nous attendre de la philosophie ?

Au cours de cette matinée, Catherine avait passé par les alternatives de l’incertitude, de la sécurité, du désappointement et de la félicité définitive. Henry dans son cœur, Northanger Abbey sur ses lèvres, elle se hâtait enthousiaste vers la maison pour écrire sa lettre.

M. et Mme Morland envoyèrent poste pour poste leur consentement :