Page:La Revue blanche, t21, 1900.djvu/49

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que et sanglante des journées de Juin ou de Mai. Pourtant le sens des mots évolue avec les nécessités des choses. Il n’y a plus de fusils au faubourg Antoine, les gardes nationales sont abolies ; en revanche la troupe est munie de fusils à répétition et de canons à tir rapide ; M. Haussmann a percé la ville de rues spacieuses et M. Poubelle l’a pavée d’un bois friable qui se prête mal aux barricades. Je ne sais quelle forme prendra la Révolution de demain. À coup sûr ce sera une forme différente de la Révolution d’hier. Pourtant des actes révolutionnaires restent possibles. Lesquels donc ? Je continuerai, quant à moi, à donner ce nom à tout acte qui paraîtra devancer notablement le cours régulier de l’évolution politique et qui, par cela même, sera de nature à frapper violemment les imaginations, à multiplier l’espoir prolétarien, à frapper d’une appréhension soudaine les paresses bourgeoises. Tout acte de cet ordre prendra, pour l’avenir, une signification symbolique, une vigueur communicative de propagande. Il équivaudra, par son profit, à plusieurs années de cette action méthodique — qui seule d’ailleurs l’aura rendu possible. Il n’est pas douteux qu’en ce sens l’entrée de M. Millerand dans un ministère bourgeois ait constitué, en elle-même, un acte révolutionnaire. Bien mieux, M. Millerand a fourni un type, ouvert une série, que sans aucun doute l’histoire prochaine complétera.

Parmi les questions traitées, je n’en vois donc pas une seule qui fût de nature à jeter une division profonde dans le Congrès. Se posait-il un problème de méthode assez grave pour créer un dissentiment sincère, durable ? Pas davantage. Une question de méthode dans ces deux dernières années a passionné le socialisme allemand. Au Congrès de Stuttgard, au Congrès de Hanovre, le cas Bernstein a divisé les meilleurs, les plus anciens militants de la Social-Démocratie. Il s’agissait de savoir si, dans l’action prolétarienne, le présent devait être sacrifié à l’avenir, les réformes possibles et partielles à la conquête définitive et totale du Pouvoir. Devant une semblable question, je comprends aisément l’hésitation et le doute. Mais au Congrès de Paris, jamais, à aucun moment, n’est apparu pareil divorce. Certains avaient tenté, avant le Congrès, d’établir entre le cas Bernstein et le cas Jaurès une trompeuse analogie. Mais ils n’ont pu persister dans une interprétation aussi absurde. Au Congrès de Paris il ne s’est pas révélé un seul Bernstein.

Sans doute va-t-on s’étonner que, dans de pareilles conditions, nous ayons eu à déplorer avant le Congrès des actes violents et injustes, qu’au Congrès même, nous ayons entendu des paroles brutales, assisté à des scènes presque tragiques. Comment expliquer ces incidents ou ces drames qu’aucun désaccord pratique, aucune division théorique grave ne justifiait. On peut le dire franchement, d’autant que c’est là, nous l’espérons, du passé, presque de l’histoire. Des