Page:La Revue blanche, t22, 1900.djvu/339

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… Et subitement elle éclate en sanglots, et c’est tout à fait, dans le cabinet de toilette, comme si le grand cadre de verre de Sidon s’était pulvérisé sur le pavé de mosaïque, créant une arène étincelante au poudroiement de sa pierre spéculaire ; ou si, les perles défilées, le portrait de Messaline, la beauté de Messaline s’écroulait en mille morceaux.

Quelque chose comme le cri :

— Le grand Pan est mort !

Elle est allée le voir dans son étable à boucs — Pan, Priape, Phallus, Phalès (qui est son nom divin). Amour, Bonheur, le dieu de qui elle sait le plus d’invocations ! S’il existe, c’est là, sûrement, son séjour, et non pas les statuettes dérisoires, bijoux de temples, frêles ustensiles de toilette.

Elle l’a vu.

Il est favorable aux hommes d’une faveur brève et il meurt dès qu’il touche une femme — ô le sanglot de la Vénus de perles qui retourne en toute la poussière du sable de la mer, Katadyomène !

Et s’il ressuscite c’est pour mourir encore, comme son image, le grand aigle nocturne, perché sur la porte de son temple, a éteint ses yeux de foudre, calmé l’envergure de ses pennes amoureuses, et a paru s’envoler — la mémoire de la nymphomane lui suggère une vision hallucinatoire de plus en plus précise — s’est véritablement envolé à l’aube, dans la même fuite que les dernières étoiles !

— Où es-tu, Phalès, Priape, fils de Bacchus et de Vénus ? et de ton seul nom qui ne change point, où es-tu, dieu des Jardins ? Ma contemplation est de toi si absolue, mon désir si certain, que je sais que tu existes quelque part ailleurs que dans le suint de l’étable ou la parure morte des femmes.

Jupiter, Père des dieux, habite l’Olympe et son temple du Capitole ; Auguste, le temple d’Auguste ; Livie, aïeule de mon mari, déesse, le temple d’Auguste et partout où nous autres femmes jurons par son nom…

Nous autres femmes… Nous autres dieux !

Car la femme d’un divin César est plus près que les autres humains d’un dieu ! Dieu, quoique Claude n’ait permis d’élever qu’une seule statue de sa personne, et qu’en argent ! avec deux d’airain et de pierre, et défende qu’on se prosterne devant lui,