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la disciplote
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le rappellent[1]. Ils ne doivent être employés qu’ « en cas de fureur ou de violences graves »[2]. On ne doit ordonner la mise aux fers que si on ne « dispose d’aucun local propre à servir de prison »[3].

Cette mesure toute préventive est prise dans l’intérêt des hommes, elle ne doit « jamais être appliquée à tort »[4] ; elle ne doit « jamais devenir une punition »[5].

Phraséologie inefficace.

On dit : « Tout châtiment physique est rigoureusement interdit ».

Et on distingue des cas où on châtiera physiquement. Il n’est pas possible de ratiociner : la mise aux fers est un châtiment physique, c’est une des peines corporelles supprimées par l’ordonnance royale de 1788.

La mise aux fers ne s’effectue pas sans brutalités ; les poings, les pieds, les crosses de revolver, les matraques meurtrissent les chairs lorsqu’il faut briser, dans la ferraille, les chevilles et les poignets d’un disciplinaire.

Dans les cellules on entend des hurlements, des vociférations, des cris de douleur ou de colère.

L’homme, vaincu par le nombre, gît, les tenailles d’acier aux membres ; il gémit lugubrement, alors que les gradés s’en vont, en ricanant, prendre leur apéritif.

Le règlement ne prévoit les fers que pour des cas exceptionnels ; mais les gradés sont juges de l’exceptionnalité du cas : De la sorte, des hommes sont néanmoins mis aux fers, et les humanitaires, socialistes, philanthropes, tout de même contents.

La seule punition corporelle qui soit maintenue l’est dans l’intérêt des soldats ; pour les empêcher de faire des sottises, on les met aux fers… mais c’est dans leur intérêt, » — ainsi qu’en témoigne le fait suivant :

À la 3e compagnie, à Aumale, en 1896, au détachement d’Aïn-Sefra, deux disciplinaires, Le Bouffaut et Labutte, furent mis aux fers et laissés quarante-huit heures dans la neige, sans couvertures, simplement vêtus de leurs treillis, sans même leur ceinture de laine. J’ai vu Le Bouffaut : il m’a montré sur sa peau, aux poignets et aux chevilles, les marques ineffaçables que lui ont laissées les fers. Il m’a conté les souffrances atroces qu’ils ont endurées. Les gradés venaient les narguer et les insulter.

Quand les fers leur furent retirés, ils ne pouvaient plus marcher : on les porta à l’hôpital.


SÉVICES EXTRAORDINAIRES

L’ordonnance royale de 1788 a supprimé les châtiments corporels.

  1. 6 janvier 1844 J. M. 1er  sept., p. 25.
  2. Inst. minist. 1851.
  3. Décret de 1890.
  4. Instruction ministérielle de 1890.
  5. Rapport officiel de 1890.