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la revue blanche

L’instruction de 1850 porte : « toute espèce de châtiment physique est formellement interdit. »

L’art. 16 du décret de 1890 prescrit « en ce qui concerne les disciplinaires, il ne peut leur être infligé d’autres punitions que celles énumérées dans le décret sur le service intérieur des corps de troupe d’infanterie… Toute punition extra réglementaire et tout châtiment physique sont formellement interdits. »

Cependant, voici quelques faits qui se sont passés à la discipline :

Une punition du capitaine Loche. — En 1887, à la portion centrale de la 3e compagnie, à Aumale, le capitaine Loche, au cours d’une fouille dans les locaux disciplinaires, trouva du tabac en la possession d’un certain nombre de bagneux. Furieux, il se rendit dans une chambre, fit jeter hors de leur lit vingt-cinq hommes qui dormaient paisiblement (il était neuf heures du soir), les fit conduire en cellule où ils furent mis aux fers avec une brutalité révoltante. Loche, voulant punir les hommes de la compagnie qui avaient passé du tabac aux punis, prenait au hasard les responsables. Les vingt-cinq hommes restèrent aux fers toute la nuit ; le lendemain on les mit au peloton de punition. L’adjudant Philippini, de sinistre mémoire, prit la haute direction du bal, afin de faire exécuter les ordres de Loche ; c’est-à-dire : une demi-heure de pas gymnastique ; une demi-heure de peloton immobile, face à un mur récemment blanchi, pas de pose horaire. Durant la pelote immobile, Philippini exigeait l’immobilité absolue dans des poses comme : En avant pointez ; le troisième mouvement de coup lancé : en tête parez et pointez ; le vire-volte de la volte face debout sur la pointe des pieds, etc. Poses qu’à plaisir il prolongeait plusieurs minutes, donnant l’ordre formel sitôt qu’une pointe de baïonnette s’abaissait quelque peu. À la deuxième reprise du pas gymnastique, un homme tomba. Philippini fit appeler deux clairons, soldats de la régulière, pour servir de témoins et donna au disciplinaire l’ordre formel de marcher. L’homme, accablé par le poids du sac et par la suffocation que produit le pas gymnastique, ne put se relever. Les deux clairons le remirent sur pied. Par un effort de volonté, l’homme marcha cahin-caha. Deux autres hommes tombèrent, l’adjudant les fit empoigner par les clairons. « Puisqu’ils ne veulent passe tenir sur leurs quilles, dit-il, faut leur foutre des quarts d’eau sur la gueule. » Les hommes se firent porter malades, demandant à être conduits sur-le-champ à la visite du major. Philippini les fit jeter en cellule. Loche les mit immédiatement en prévention de conseil pour refus d’obéissance. Mais il ne put empocher la visite du major, et comme celui-ci avait encore quelques sentiments humains, il fit entrer à l’hôpital les disciplinaires maltraités et il interdit au peloton l’usage du pas gymnastique. Nous ne tenons pas ce fait d’un disciplinaire, mais d’un ancien gradé de la discipline : c’est le caporal de garde qui assista à toute cette affaire et sur lequel Loche se vengea de son insuccès en