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les “ cocos ”
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dât « les hommes marqués pour la mort ». Pour la colonne de Maintirano, aucun service de santé mobile ne fut mis à la disposition des fusiliers.

Le lieutenant Georgey remplit les fonctions de major et tint le cahier de visite, mais, comme la colonne n’avait pas de médicaments, les malades étaient rapidement soignés.

En route, ceux qui ne pouvaient marcher étaient dépouillés de leur fusil et de leurs cartouches, parfois de leurs vivres, et on les laissait dans la brousse. Quand ils ne mouraient pas de faim, ils tombaient entre les mains des pillards.

Une seule fois, un major monta jusqu’à Ben-Alitz et Andjia, mais ne voulut pas aller jusqu’à Vakariano. Lors de cette visite, un seul disciplinaire fut reconnu malade (pour œdème des pieds) ; le major ordonna de l’évacuer sur l’hôpital de Maintirano. Il mourut en route, faute de soins.

Lorsque, en station, un disciplinaire se faisait porter malade, quelque fût son état, il était privé de manger ; le motif de ce traitement était basé sur ce raisonnement : ne pouvant travailler, les malades ne doivent pas manger.


BEN-ALITZ

À Ben-Alitz, le chef de poste était un sergent-major de la régulière, assisté d’un sergent des Cocos, d’un caporal de la régulière, et du caporal Besançon des Cocos.

Lorsque Ben-Alitz fut évacué, huit hommes seulement en descendirent : le reste était enfoui dans le sable.

On ne peut préciser le mode suivant lequel tous ces hommes ont péri. Voici un cas qui peut servir d’indication.

Un disciplinaire malade fut forcé par le sergent d’aller à l’eau avec une dame-jeanne. L’aiguade était à trois kilomètres du poste ; cette distance à parcourir n’était pas sans danger dans un pays ennemi, propre aux embuscades : l’homme partit seul et ne revint pas.


JUGEMENT SOMMAIRE D’ANDJIA

En septembre 1898, deux disciplinaires appartenant au poste de Vakariano, Jean et Brando, furent punis de quinze jours de prison sous le prétexte, vrai ou faux, qu’ils avaient dérobé une bonbonne de vin. Le lendemain, à midi, ils partirent en absence illégale pour réclamer au commandant d’armes de Maintirano, et se dirigèrent sur Andjia, où ils arrivèrent douze heures après : ils avaient alors un jour d’absence illégale.

Brando, pour un motif que nous ignorons, resta à Andjia ; Jean reprit seul la route de Maintirano. Le lendemain, il rencontra un détachement commandé par le lieutenant-colonel Liautey, chef d’état-major du général Gallieni. Le colonel l’arrêta et le ramena à Andjia où la troupe arriva le soir même. Toute la nuit, Jean, les membres ligottés. resta dehors, à côté de la cagna du colonel, et il entendit les gradés délibérer sur son sort ainsi que sur celui de Brando, car le sergent Bousquet, chef du