Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/132

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allemand, inquiet de la décadence du métier, a voté un projet de loi qui rend obligatoire, en certains cas, l’association corporative. Nos socialistes français n’ont pas pris garde à la haute signification de ce fait. La même inquiétude a inspiré au gouvernement autrichien des modifications au code industriel de l’Empire. Les corporations ont reçu le droit de se créer des ressources en levant des taxes sur l’inscription de leurs membres et de leurs apprentis, de se fédérer par districts. Mais toutes ces mesures ne trahissent que la transformation du travail sans pouvoir y apporter un remède sérieux. On n’entrave pas une pareille évolution économique à coups de décrets.

En France, le mouvement est non moins rapide. Il résulte d’une enquête ouverte, il y a quelques années, par l’Office du Travail que les professions d’artisans diminuent :

À Lyon, c’est la Croix-Rousse, berceau de la soierie, qui se dépeuple d’apprentis et d’ouvriers ; les ébénistes émigrent ou changent de profession ; les sculpteurs sur bois en sont réduits à la trolle pour les bazars ; l’orfèvrerie, la bijouterie, le bronze, la tréfilerie manquent non seulement de spécialistes de haute valeur, mais d’ouvriers ordinaires ; il n’y a plus de relieurs, les verriers vivent misérablement.

À Marseille, dans l’ébénisterie et la menuiserie, le nombre des artisans diminue chaque jour. La bijouterie, qui avait conquis une grande réputation par une fabrication spéciale très soignée, est en décadence complète. Tombée aussi la ferronnerie d’art, il y a quarante ans très prospère. À Nîmes, disparition de l’ébénisterie, de la ferronnerie, de la bijouterie et de l’imprimerie, industries fort brillantes dans la première partie de ce siècle. À Toulouse, patrons et ouvriers ébénistes déclarent que dans vingt ans l’industrie n’existera plus. On ne trouverait pas un ferronnier d’art, et pourtant autrefois, sur ces bords de la Garonne, le fer forgé était en grand honneur. L’industrie des vitraux d’art est à la veille de sa disparition. Plus d’ateliers importants de bijoutiers et d’orfèvres comme il en existait tant jadis.

À Bordeaux, les ateliers d’ébénisterie sont fort menacés par la concurrence à bon marché des usines rurales du Midi, les bijoutiers et les orfèvres, les peintres décorateurs et les sculpteurs ornemanistes végètent.

À Nantes, dans toutes les industries, on réclame des réformes radicales pour le recrutement des apprentis, pour l’enseignement professionnel des ouvriers (tout cela est contradictoire puisque ce sont les perfectionnements mêmes de la fabrication qui ont rendu l’apprentissage inutile).

À Rennes, bientôt on ne trouvera plus de ces ébénistes, menuisiers et verriers qui étaient renommés il y a moins d’un demi-siècle dans toute la Bretagne.

Autrefois, après Paris, Rouen passait pour la ville de France possédant le plus de sculpteurs, statuaires et ornemanistes d’une habileté incontestée ; elle avait aussi des ébénistes et menuisiers fort habiles ; en