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II

« Lorsqu’on laisse s’assembler et délibérer les marchands d’un même état, dit Adam Smith, on peut être assuré qu’il va se tramer quelque chose contre les poches du public. »

Cela prouve que les grèves patronales remontent assez haut.

Nous n’avons pas la prétention de donner ici un tableau complet des grèves, coalitions et lock-outs, mais nous allons citer quelques faits.

En 1819, il existait dans le Staffordshire une association de maîtres de forges qui avait pour objet, entre autres, « de régler les salaires et d’en assurer l’uniformité ». L’euphémisme est délicat. Les membres s’étaient engagés, sous peine d’un dédit, à ne pas élever les salaires sans l’assentiment de leurs associés.

En 1833, à Liverpool, les entrepreneurs de bâtiments convinrent d’exiger de tous les ouvriers, avant de les employer, l’engagement formel de ne point participer aux associations (ouvrières), et, sur le refus des ouvriers, tous les chantiers se fermèrent [1]. Après un chômage désastreux, les entrepreneurs en firent venir d’autres de différentes parties de la Grande-Bretagne. Les ouvriers durent céder.

En 1837, en France, 65 concessionnaires des mines du bassin de la Loire se réunirent en trois grandes Compagnies qui, elles-mêmes (en 1845) se fusionnèrent en une Société des Usines réunies. Cette Société afferma le canal de Gisors ainsi que le chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon. Ainsi maîtresse des moyens de transport et des matières premières, elle enchérit le prix de la houille et diminua les salaires, ce qui provoqua la grève des ouvriers de Terre-Noire.

La loi est censée punir le délit de coalition patronale. Voici comment le législateur a protégé « le point faible ».

L’article 414 du Code pénal (promulgué en 1810) ne réprimait les coalitions de patrons que si elles tendaient injustement et abusivement à forcer l’abaissement des salaires. L’article 415 ne punissait que la coalition entre ouvriers « pour cesser en même temps de travailler, interdire le travail dans un atelier, etc. »

La loi de 1849 réunit les articles 414, 415 (avec emprisonnement de 6 jours à 3 mois et une amende de 16 à 3 000 fr.) Néanmoins de 1853 à 1862 il y eut 98 coalitions de patrons déférées aux tribunaux.

Grâce au petit nombre des coalisés qui permet une action rapide, silencieuse, les patrons peuvent s’entendre, dit Smith « par des complots conduits dans le plus grand silence » tandis que les ligues des ouvriers « entraînent toujours une grande rumeur ».

En 1864, Napoléon III voulut substituer à la loi de 1849 « l’honneur et le bénéfice d’une législation nouvelle ». Elle édictait :

  1. Cité par L. Smith — Les Coalitions et les Grèves.