Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/435

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touchés par les sentiments d’affection dont il se dit animé à notre égard. Pour le prouver, nous ne lui demandons qu’une chose, le statu quo. »

La grève patronale était manquée. Un nouveau prétexte fut vite trouvé. Deux ouvriers furent congédiés à cause d’une absence non autorisée. Mesure qu’on n’appliquait Jamais. Pour faire réintégrer leurs camarades, les ouvriers quittent l’usine. M. Jaurès arrive à Carmaux le 1er  août. Il voit la situation, et il a l’honnêteté de dire la vérité : la grève doit échouer à cause du stock en réserve. Alors les ouvriers réclament l’arbitrage. Le syndicat ouvrier télégraphie à M. Rességuier : « Nous avons décidé à l’unanimité de reprendre le travail aux conditions fixées par vous. Nous ferons vivre sur nos salaires Pelletier et Baudot. »

Mais le directeur qui cherchait à susciter la grève, dans son usine, depuis longtemps, télégraphia aussitôt : « Grève ayant été déclarée sans motif, me tiens à l’affiche de ce jour ».

L’affiche, composée sans doute depuis plusieurs jours, et envoyée la veille par M. Rességuier disait que « la Société ne pouvait prévoir dans quelles conditions la réouverture aurait lieu. À chacun par conséquent de prendre tel parti qui lui convient. »

Nous n’insisterons pas sur la grève de la Grand’Combe (avril 1897). Elle éclata à la suite d’un lock-out de 500 ouvriers dont la mine n’avait plus besoin. On fit se solidariser deux mille mineurs qui se mirent en grève pour la réintégration des cinq cents. Néanmoins quelques ouvriers continuèrent le travail [1]. Mais la grève patronale avait réussi.

Quelle a été la véritable cause de la grève de Montceau-les-Mines qui a éclaté cette année ? On a prétendu qu’elle avait été fomentée pour créer des embarras au Ministère. Cela n’est pas impossible, de l’aveu même de quelques socialistes. Quoiqu’il en soit la conséquence fut le lock-out, la grève imposée par le patron et à son avantage. « Nous ne renvoyons, nous que 430 ouvriers sur 9 000, soit 5 % disait un ingénieur de la Compagnie à un rédacteur du Temps [2]. Qu’est cette proportion auprès de celle des arsenaux militaires ? »

L’ingénieur faisait allusion à une autre grève patronale à laquelle on n’a guère pris garde malgré son importance et sa gravité. Cette fois le patron était l’État. En effet le 28 mars 1901 le général André annonçait qu’on avait été obligé de licencier 4 300 ouvriers des arsenaux militaires sur 20 000, soit 20 % [3]. Ça n’est pas la première fois, du reste, que l’État procède à ces congédiements, par gros ou petits paquets.

  1. À ce sujet on est surpris de l’incompréhension de certains publicistes. La Petite République du 24 avril 1897 traitait de « lamentable cortège de parias » les pauvres diables affamés qui n’avaient pas l’héroïsme de se « solidariser » avec les grévistes.
  2. Le Temps du 7 avril 1901.
  3. Un désarmement brusque aurait des conséquences encore plus désastreuses, le nombre des travailleurs qui sont obligés de vivre de l’armée étant plus grand que le nombre des patriotes…