Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/436

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

V

En résumé nous venons de voir que la suspension du travail a été fréquemment au siècle dernier le résultat d’une décision patronale.

Depuis le commencement du xixe siècle, jusqu’à son dernier tiers, c’est l’Angleterre qui a été le théâtre des grèves patronales les plus importantes, et par conséquent les plus désastreuses, — nous l’avons établi cela vient de ce que le « bloc de houille » a été le premier industrialisé, et comme la grève patronale — ainsi que la grève ouvrière — est un des mille incidents de la lutte économique, il est naturel qu’elle se soit manifestée d’abord en Angleterre.

Néanmoins les coalitions patronales ont été nombreuses en France.

Ensuite c’est aux États-Unis que nous voyons surgir, avec le prodigieux développement de l’industrie mécanique, les grèves patronales les plus intenses. Nous avons montré par des chiffres probants, empruntés à des sources officielles, que ces grèves ou lock-outs découlent de la formation des trusts, qui englobent à l’heure actuelle 90 % de l’industrie américaine. « Le trust, a dit un économiste, est le frère jumeau de la grève [1]. Or les trusts se propagent dans tous les pays de civilisation industrielle avancée ; ils sont le résultat de la concurrence inévitable entre les fabricants d’un même pays [2]. C’est dire que la grève patronale s’accentue. Ainsi au commencement du mois d’octobre 1900 les métallurgistes de la région du nord de l’Angleterre éteignirent quinze hauts fourneaux ce qui réduisait la production mensuelle de 42 000 tonnes : il s’agissait d’enrayer la baisse de la fonte. Au bout de quelques mois 76 hauts fourneaux restaient en activité sur 123. Même situation dans l’Écosse et dans le Midland, d’après M. Villain, et en Belgique où le nombre des hauts fourneaux diminue, la production de la fonte qui était de 89 800 tonnes en février 1900 tombait à 58 tonnes en 1901. Du côté des textiles, la Revue du travail belge accuse pour le premier trimestre 1901 une forte crise dans le tissage du coton : on travaille partout à journées réduites.

En Allemagne la production de la fonte diminue ; il y a même ralentissement de la production dans toutes les branches. D’après les renseignements particuliers de M. George Blondel, dans l’industrie du fer en Allemagne, « licenciement d’ouvriers, diminution des salaires, chômages forcés, sont à l’ordre du jour ; les magasins sont encombrés ». D’autre parties patrons tisseurs de l’Allemagne du sud qui avaient déjà restreint

  1. Paul Dreyfus. — Économiste Français, 22 avril 1899.
  2. Les libres échangistes attribuent la formation des trusts aux tarifs protecteurs. Il est évident que les tarifs protègent les industries monopolisées, mais de là à dire que le protectionnisme a créé les trusts… Pourquoi MM. de Molinari et Yves Guyot ne disent-ils rien des trusts anglais ? C’est l’Angleterre, autrefois terre classique du laisser-passer, qui a vu naître les premiers trusts.