Page:La Revue blanche, t25, 1901.djvu/494

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recommandation qu’il avait prises avant son départ de Baoting, il n’a pu trouver d’occupation à Taï-yuan. Car il était membre des Grands Poings comme vous le savez, et les banques étant en relations d’affaires avec les missionnaires, qui ont résolu d’exterminer la Grande Société et peuvent déchaîner les hordes sanguinaires des barbares, tout le monde avait peur de l’occuper. En effet, les armées des Transocéaniens allaient suivre la route que la Cour avait prise. L’Empereur, en outre, avait fait afficher un manifeste disant que les membres de la Société devaient être traités comme des rebelles. Ce manifeste qui

    (sur le Hoang-ho en Kan-sou), comme nouvelle résidence provisoire, est la suivante : Le grand télégraphe russo-chinois va de Pékin à Taï-yuan, Hsi-ngan, Lan-tcheou, Ngan-si, Khami, Kouldjga et Vyernoye. Si la cour s’était rendue à Hing-ngan, elle se serait éloignée du télégraphe qui constitue littéralement le fil auquel est suspendu le sort de la Chine. La dynastie mandchoue-chinoise comme le gouvernement russe avaient un intérêt capital à ne pas interrompre la communication rapide et secrète entre la Cour et Saint-Pétersbourg (ou plutôt Livadia dans ce moment-là). À Hsi-ngan, on pouvait demander et avoir une réponse de Russie dans une journée — pendant qu’on prolongeait une discussion officielle à Pékin. Lan-tcheou avait le même avantage, Hing-ngan non. La question était vitale : privés d’un moyen de communication constant, les deux gouvernements auraient nécessairement échoué chacun de leur côté dans la réalisation de leurs projets.

    Au mois de décembre déjà, on savait qu’en aucun cas la résidence impériale ne serait rétablie à Pékin. Seuls les diplomates occidentaux pouvaient supposer que la Cour serait aussi peu avisée. Cette appréciation va coûter cher aux confiants parlements européens. On fortifie, en effet, les légations de Pékin et même toute la route depuis la mer jusqu’à cette ville définitivement déchue. Que les légations restent où elles étaient, tandis que le gouvernement central est ailleurs : c’est parfait. Mais cet intermède comique met en lumière une vérité qui devrait faire frissonner d’inquiétude les béats ministères occidentaux. En effet, le gouvernement russe (voir note 3 et Revue blanche du 1er juillet, page 360), tient dorénavant la passe de Si-ouan-tsze, laquelle comme base stratégique domine Pékin ; d’autre part le gouvernement chinois s’éloigne de Pékin pour ne pas être sous la main des légations (ce sont des faits accomplis). Or, Si-ouan-tsze fait face non à la Chine mais à l’Europe coalisée, et l’Occident construit à Pékin des forteresses contre un ennemi qu’il ne comptait point rencontrer ; on peut s’attendre dans ces conditions à la reprise du mouvement anti-occidental…

    Il paraît que la nouvelle résidence définitive sera Kaï-feng, capitale du Ho-nan. Au point de vue russo-chinois, Hsi-ngan aurait été politiquement préférable, mais d’une part cette ville n’est pas facile à atteindre, et de l’autre, son climat défavorablement influencé par les montagnes nues qui l’entourent, est très difficile à supporter, surtout pour les tuberculeux, comme l’empereur Kouang-sou. Kaï-feng, ville immense, à proximité du Hoang-ho, a été au moyen âge pendant longtemps la capitale de l’empire. La distance de Hsi-ngan n’excède pas 450 kilomètres, et entre les deux villes, il y a la route fluviale. On n’aura qu’à prolonger le télégraphe de Hsi-ngan à Kaï-feng (on l’a peut-être déjà fait) et le désavantage de la nouvelle résidence sera compensé… Au point de vue stratégique, la ville n’a guère à craindre une expédition occidentale. Cette expédition devrait avoir sa base à Tien-tsin — c’est-à-dire à 700 kilomètres de distance d’un pays où la population est très dense. Kiao-tchéou est séparé du Ho-nan par des montagnes qui le mettent à l’abri de toute tentative allemande. Donc Kaï-feng réunit toutes les conditions souhaitables. La dynastie y sera en sûreté, mais en contact avec le tsar, et laissera les légations fortifiées de Pékin aux prises, le cas échéant, avec les cosaques de Si-ouan-tsze.