Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
LA REVUE BLANCHE

Encore une fois, muni de cette forme féconde le Parnasse en avait tiré de coquettes babioles et de jolis divertissements. Il faudrait, d’ailleurs, si l’on étudiait le poème en prose chez, les Parnassiens, faire très attention aux dates et considérer que les Symbolistes ont fortement influencé la façon qu’avaient les Parnassiens de le concevoir dès les débuts du groupe, antérieurement même à 1886.

Le livre de Théodore de Banville qui ouvre lère parnassienne, c’est le lit de Procuste dissimulé sous des amas de roses. M. Sidly Prudhomme donne au Parnasse finissant son livre théorique, qu’il appelle son Testament poétique. Ce n’est point que M. Sully Prudhomme soit pour cela absolument qualifié. et nous ne pouvons admettre cette extension de son livre, que par suite de l’affirmation, souvent répétée par les Parnassiens, de leur admiration mutuelle et de leur accord sur des pi’Incipes généraux, car M. Sully Prudhomme n’est pas, il s’en faut, le plus représentatif des Parnassiens.

Le livre de M. Sully Prudhomme n’a pas non plus l’importance que l’auteur a voulu lui déléguer par le titre choisi. Ce Testament poétique contient infiniment de petits morceaux extraits de préfaces, de toasts à des inaugurations, à des repas de corps. Fidèle au système de la mosaïque, M. Sidly Prudhomme a rejoint, avec plus ou moins de soin, des aphorismes émis à diverses périodes de sa vie au bénéfice de lecteurs de tel volume de M. Dorchain ou de Mme Marguerite Comert, pour les membres de la Société des gens de lettres, si épris de poésie pure, pour les admirateurs décidés de Corneille groupés en Société, etc… Mais il n’y en a pas moins, dans la première partie du volume, un résumé succinct et net du misonéisme de M. Sully Prudhomme et de ses opinions sur la technique poétique. La haine que porte M. Sully Prudhomme aux vers-libristes est célèbre : elle se manifesta un jour par des remerciements publics et commémoratifs qu’il adressa à Alfred de Vigny, le louant de n’avoir point été un décadent. Elle l’a mené, dans un de ces discours qui ornent le Testament poétique, à indiquer comme fondateur du vers-librisme Chateaubriand, « qui, lui, du moins, garde l’aspect de la prose, et ne va pas emprunter à la typographie des ressources poétiques ». Je cite cela en passant, et je trouve cette haine, non point comique, mais touchante : et cette valeur d’émotion, elle remprunte à la très réelle infériorité de M. Sully Prudhomme, en tant qu’artiste verbal et qu’ouvrier du vers, à côté des autres Parnassiens : il y a du martyre dans le cas de cet homme distingué.

En dehors de ce désir de nuire aux vers-lib ris tes dans l’esprit des personnes auxquelles il s’adresse, M. Sully Prudhomme a encore quelque chose à expliquer avec insistance : c’est que la poésie personnelle peut avoir quelque importance, mais qu’il ne faut point oublier que le summum de l’art, c’est la poésie didactique et philosophique, dont il faut sous-entendre que Justice est un des ornements parfaits. D’autres avertissements sont adressés aux confrères parnassiens. M. Sully Prud-