Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/260

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EN AUTRICHE-HONGRIE

La Galicie renferme environ 900 000 juifs. Leur misère est extrême, comme en Russie, en Roumanie et ailleurs. La plupart sont artisans, adonnés aux petits métiers, lesquels disparaissent peu à peu devant l’invasion de la grande industrie. Dans l’ouest les ouvriers juifs sont occupés dans les mines de charbon et de pétrole où ils gagnent de 15 à 10 francs par semaine : ce sont les salaires les plus élevés et, bien que l’on doive tenir compte du coût moins élevé de la vie et surtout de la sobriété forcée des ouvriers, on comprend que ce taux soit insuffisant pour la satisfaction des besoins primordiaux. Ainsi, dans l’ameublement, l’ouvrier juif ne gagne que de 3 à 5 florins par semaine ; si l’on tient compte des longs chômages, on voit à quel taux de famine se réduit le salaire réel.

Dans l’est de la Galicie, ce n’est plus la pauvreté, c’est l’indigence. Ce pays a été l’une des premières étapes et en même temps l’un des premiers refuges des émigrants de Russie. On peut voir là de vieilles femmes vivant sur de petits morceaux de terrain où elles cultivent du maïs avec un capital de 5 florins, soit environ 10 francs. On peut voir aussi des familles qui se défendent contre la faim lente avec 2 florins par semaine : quand vient l’heure de manger, il se fait un grand silence, les parts sont faites exactement, et le pain est mesuré par bouchées. Ces gens, descendus au dernier degré de la misère, savent-ils que des hommes à la panse ronde s’agenouillent devant un Christ pour les haïr et les maudire ? [1]

EN ANGLETERRE

D’après le Report on the Volume and Effects of Récent immigration from Eastern Europe into the United Kingdom (1894), la population juive de Londres serait estimée à 80 000 personnes [2]. Charles Booth estime que la densité de la population dans le quartier juif (Whitcchapel, Mile End, St. George’s in the East) est la plus grande dans l’East et comporte 227 personnes par « acre ».

Tout le monde a entendu parler du sweating system expression suffisamment féroce (système suant) pour désigner l’exploitation intensive

  1. D’après Joseph Kœrœsi (''Die Hauptstadt Budapest im Jahre 1881), il y a une population ouvrière très considérable en Hongrie. Dans la seule ville de Budapest, sur 10 000 Israélites. 490 sont tailleurs, 111 portefaix, 57 tapissiers, 125 imprimeurs, 529 journaliers, etc. En Hongrie comme ailleurs, les Juifs n’étaient pas — et ne sont pas — libres dans le choix de leur profession, ce qui fait qu’ils ont envahi certaines branches de l’activité et concurrencé fortement les marchands des autres confessions. L’appareil législatif a contribué puissamment à faire le juif tel qu’il est.
  2. Soloweitschik écrit : « D’après l’enquête faite par moi auprès de différentes personnes et institutions, il y a à l’heure actuelle dans l’East End 10 000 juifs environ, dont la plupart sont des ouvriers travaillant ou sous le sweating ou comme ouvriers libres. » (Un Prolétariat méconnu, chez Lamertin, ; à Bruxelles, et Alcan, à Paris.)