Page:La Revue blanche, t26, 1901.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sité. Je ne me souciais plus des Indiens, je perdis même toute préoccupation au sujet de l’homme assassiné. Il y avait une telle magie dans ce nom : Slade ! Nuit et jour, à présent, j’étais toujours prêt à abandonner tout sujet sur le tapis pour écouter quelque nouveau détail sur Slade et ses effroyables exploits. Avant même d’arriver à Overland-Ville, nous avions commencé à entendre parler de Slade et de sa « division » (car il était agent de division) sur la Grande Ligne ; et, depuis l’heure où nous avions quitté Overland-Ville, nous avions entendu les cochers et les conducteurs parler uniquement de ces trois choses : la Californie, les mines d’argent du Nevada, et ce risque-tout, Slade. Et la conversation sur Slade était de beaucoup la plus fréquente. Nous étions parvenus graduellement à nous figurer ce fait exact : que Slade était un homme dont le cœur, les mains et l’âme étaient trempés du sang de ceux qui offensaient sa dignité ; un homme qui vengeait épouvantablement outrages, injures, insultes ou mépris de quelque sorte que ce fût, sur le champ s’il pouvait, des années après si le manque d’occasion prochaine l’y contraignait ; un homme torturé nuit et jour par sa haine jusqu’à ce que la vengeance l’eût apaisée, et pas une vengeance ordinaire non plus, mais la destruction complète de son ennemi, rien moins ; un homme dont le visage étincelait d’une terrible joie quand il surprenait un adversaire et le prenait au dépourvu. Fonctionnaire capable et éminent de la Grande Ligne, bandit parmi les bandits et pourtant leur implacable fléau, Slade était à la fois le plus sanguinaire, le plus dangereux et le plus précieux citoyen des déserts sauvages de la montagne.

CHAPITRE X
Histoire de Slade.

Oui vraiment, les deux tiers de la conversation des cochers et des conducteurs roulaient sur ce Slade depuis la veille de notre arrivée à Julesbourg.

Afin que le lecteur oriental puisse clairement concevoir ce qu’est un spadassin des Montagnes Rocheuses dans tout son épanouissement, je réduirai toute cette masse de cancans de la Grande Ligne en un récit continu que je lui soumettrai sous la forme suivante :