Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/221

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n’auraient pas trouvé, hier, un verre à crédit dans aucun débit du pays, étaient aujourd’hui ivres de champagne à hurler ; ils comptaient des armées de chaleureux amis personnels dans une ville où ils avaient désappris de saluer et de donner des poignées de mains par suite d’un manque prolongé d’habitude. Johnny Morgan, un vulgaire fainéant, s’était endormi dans le ruisseau et s’était réveillé à la tête de cent mille dollars, à la suite du verdict rendu dans le procès de la « Lady Franklin » contre la « Sans-Gêne ». Et ainsi de suite, à l’aurore et au crépuscule, ces propos nous assaillaient les oreilles et autour de nous les têtes devenaient de plus en plus chaudes.

J’aurais été plus ou moins qu’un homme, si je n’étais pas devenu fou comme les camarades. Des charretées de lingots d’argent massif, aussi gros que des saumons de plomb, arrivaient tous les jours des usines, et de semblables spectacles donnaient du corps aux récits fantastiques qui couraient. Je succombai et je devins aussi frénétique que les plus toqués.

Tous les deux ou trois jours, arrivait la nouvelle de la découverte d’une région minière tout battant neuve ; immédiatement les journaux regorgeaient de comptes rendus sur sa richesse, et la population flottante décampait vivement pour en prendre possession. Au bout de quelque temps je fus bien infecté de la maladie. « Esmeralda » venait d’aller aux nues et « Humboldt » commençait à clamer pour attirer l’attention. « Humboldt ! Humboldt ! » était le cri du jour et, d’emblée, « Humboldt », la plus nouvelle des nouvelles, la plus riche des riches, la plus merveilleuse des merveilleuses découvertes du pays de l’argent, remplissait dans les feuilles publiques deux colonnes contre « Esmeralda », une. J’étais sur le point de partir pour « Esmeralda », mais je tournai avec le flot et fis mes préparatifs pour « Humboldt ». Afin que le lecteur puisse voir ce qui me décida et ce qui, non moins sûrement, l’aurait décidé lui-même s’il eût été là, j’insère ici une lettre des journaux de l’époque. Celle-là et quelques autres du même écrivain plein de sang-froid furent les principaux instruments de ma conversion. Je ne tronquerai pas le passage et je le donnerai tel qu’il parut dans l’Entreprise Territoriale Quotidienne.

Mais quelles nouvelles de nos mines ? Je serai franc avec vous. J’exprimerai mon opinion honnête, basée sur un examen approfondi. Le comté de Humboldt est la plus riche région minière sur le marchepied de Dieu. Chaque chaîne de montagnes regorge de minerais précieux. Humboldt est la vraie Golconde.

L’autre jour, une analyse de simples affleurements a fourni plus de quatre mille dollars à la tonne. Il y a une ou deux semaines, une analyse « d’élé-