Page:La Revue blanche, t27, 1902.djvu/434

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afin de les arrêter, on plaçait dans les conduites des couvertures rugueuses, on y déposait çà et là de petites barrettes d’arrêt transversales chargées de mercure. Il fallait laver les couvertures et nettoyer les barrettes tous les soirs pour en détacher les précieuses accumulations et au bout de ces tracas éternels un tiers de l’argent et de l’or contenus dans une tonne de roc trouvait moyen de s’échapper à l’extrémité des auges dans le ravin, où on aurait quelque jour à les retravailler.

Il n’y a rien d’aussi impatientant que le raffinage de l’argent. Pas un moment de repos dans cette usine, toujours quelque chose à faire. C’est dommage qu’Adam n’ait pas pu entrer dans une usine à quartz directement en sortant de l’Éden, afin de comprendre, pleine et entière, la force du châtiment à lui imposé, de « gagner » son pain à la sueur de son front. À divers moments de la journée, nous devions puiser un peu de pâte des cuves et, tâche insipide, la diluer dans une cuiller de corne, la diluer petit à petit en la faisant couler par dessus le bord jusqu’à ce qu’enfin il n’en restât rien que quelques globules de mercure terni. S’ils étaient mous et malléables, la cuve avait besoin de sel ou de sulfate de cuivre ou de quelque autre drogue pour faciliter sa digestion ; s’ils craquelaient sous les doigts et gardaient l’empreinte de l’ongle, ils étaient chargés de tout l’or et l’argent qu’ils pouvaient assimiler et par conséquent les cuves avaient besoin d’une nouvelle dose de mercure. Quand il n’y avait pas autre chose à faire on pouvait toujours cribler les déchets. C’est-à-dire que l’on pouvait prendre avec une pelle le sable desséché qui avait été entraîné dans le ravin en sortant des conduites, le lancer contre un tamis perpendiculaire pour le séparer des cailloux et le préparer ainsi à un nouveau traitement. Les procédés d’amalgamation varient selon les usines, ce qui amenait des changements dans le modèle des cuves et des autres machines et il existait une grande différence d’opinions sur la préférence à accorder au meilleur, mais aucune méthode en usage ne consacrait le principe de raffinage du minerai sans le criblage des déchets. De toutes les récréations du monde, le criblage des déchets, par une chaude journée, avec une pelle à long manche est la moins désirable.

À la fin de la semaine, on arrêtait les machines et nous nettoyions, ce qui signifie que nous retirions la pâte des cuves et des batteries et que nous délayions cette boue patiemment, jusqu’au moment ou il ne demeurait plus que la masse du mercure lentement accumulée avec ses trésors emprisonnés. Nous en formions de lourdes et compactes boules de neige, et nous les