Page:La Revue blanche, t28, 1902.djvu/100

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Le monde est si bête ! On aurait dit : Tu n’es jamais que le garçon d’un pendu !

On les inscrivit au bureau de bienfaisance. C’est déjà un commencement. Ils eurent tous les samedis un pain de dix livres, furent exemptés d’impôts, participèrent aux distributions de secours : pour le Quatorze Juillet cinq francs, pour la Saint-Martin quinze francs, à cause du terme, et au commencement de l’hiver ils avaient droit à un stère de bois. D’ailleurs, ayant été domestique, la mère Perdrix, trouvait des protections. Et puis on lui donna tout de suite de l’ouvrage parce qu’on la savait courageuse.

Chez Roux, le boulanger, dont la femme avait besoin d’un peu de temps pour servir les clients et garder le comptoir, elle entra comme femme de ménage. Tous les matins, à neuf heures, elle descendait faire les lits, balayer la chambre, épousseter, frotter les meubles et remontait chez elle vers dix heures et demie onze heures, ayant gagné cinq sous. Elle était un peu trop vive, se lançait trop sur les choses et on l’employait pour lui rendre service parce que, vraiment, elle n’avait pas de délicatesse avec les meubles.

Tous les samedis, après-midi, une vieille dame veuve, madame Delphine faisait un grand nettoyage de sa maison, et comme la bonne n’y pouvait pas suffire, elle employait la mère Perdrix. Il y avait quinze sous à gagner. C’était une bonne maison : la Vieille avait toujours son verre de vin, on la forçait à emporter de l’oseille, des fruits ou, quand c’était la saison, madame Delphine disait : « Allons, mère Perdrix, allez donc ramasser des haricots dans le jardin. »

Elle lava quelquefois des lessives, mais elle n’était pas commode, à cause de son ménage chez Roux, et on ne pouvait la prendre que pour une demi-journée.

Elle eut beaucoup de chance : C’est en ce temps-là que la belle-mère à Roux devint à moitié folle. La mère Turlaud avait deux maisons et, ayant donné congé à ses deux locataires, ne trouva personne qui voulût habiter chez elle et garda deux loyers qui ne couraient pas. Ceci l’occupa pendant longtemps et la travailla si bien qu’elle ne voyait pas le moyen d’en sortir. Elle en restait comme égarée. Dans