Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/172

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optique d’un être est celle qui nous donne, de cet être, la connaissance la plus synthétique ; c’est pour cela que, quand nous parlons de la forme d’un individu, nous entendons qu’il s’agit de sa forme pour notre œil. Quand nous reconnaissons un de nos amis à sa voix, nous évoquons immédiatement son image visuelle ; peut-être, quand un chien reconnaît son maître à, sa voix, évoque-t-il en lui même son image olfactive


Cette expression « image olfactive » nous choque profondément parce que notre odorat est extrêmement obtus ; pour en comprendre la signification nous devons sortir de notre nature d’homme et nous reporter à ce qui se passe chez les chiens et les fourmis. Et d’ailleurs est-il bien légitime d’appeler du même nom, odorat, le sens localisé dans le nez du quadrupède et dans l’antenne de l’hyménoptère ? Au fond, qu’est-ce que l’olfaction ? Nous ne pouvons pas encore le dire d’une manière précise. On a attribué la sensation particulière que nous appelons ainsi à l’action, sur nos terminaisons nerveuses intranasales, de particules matérielles très ténues diffusées dans l’atmosphère autour des corps odoriférants, mais tout le monde n’est pas d’accord. On connaît la célèbre expérience dans laquelle un morceau de musc, abandonné pendant des mois sur le plateau d’une balance de précision dans une atmosphère renouvelée et ayant empesté des milliers de mètres cubes d’air, n’avait pas subi de perte de poids appréciable. Il y a là un mystère analogue à celui du radium éternellement rayonnant…

La seule chose que nous puissions affirmer relativement à l’olfaction, c’est que, contrairement à la vue et à l’ouïe, qui nous renseignent uniquement sur l’état physique des corps, le sens localisé dans notre nez nous renseigne (ainsi d’ailleurs que le goût) sur la nature chimique des substances odorantes. Et dans certains cas il est bien évident que ce document est plus précieux que la simple image visuelle. Combien de liquides ont l’aspect de l’eau, que l’odeur ou le goût nous permettent de distinguer malgré leur similitude optique ! Dans ce cas, la connaissance chimique est tout, le document fourni par l’œil est absolument insuffisant. Au contraire, si nous avons à étudier, par exemple, l’architecture du Louvre, peu nous importe d’être renseignés sur la nature chimique des pierres et des ardoises qui ont été employées pendant sa construction ; avec les mêmes pierres et les mêmes ardoises on eût pu construire tout autre