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travail, demande sa radiation, un policier va, trois mois durant, enquêter chez son patron. Celui-ci, apprenant la situation de son employée, la congédie immédiatement. Les seuls refuges des filles sont les Bons Pasteurs et Cie, autres bagnes. À celui de Paris (71, rue Denfert-Rochereau), on travaille de quatre heures du matin à dix heures du soir, sans toucher un sou, et au seul prix d’une nourriture pas toujours ragoûtante ; comme boisson : de l’eau, bien entendu. Des punitions spéciales destinées à apprendre l’humilité et l’obéissance : privation de nourriture, coups, cachot, se traîner sur les genoux, frapper un certain nombre de fois le sol de son front, lécher ses propres crachats sur le parquet. Aucun soin d’hygiène intime n’est permis : pour toute hygiène morale et récréation : cantiques, prières, confessions.

Chez les Ursulines de la rue Saint-Jacques, même système. Toutefois le menu culinaire vaut une citation spéciale : pommes de terre et vinaigre à discrétion. Les bonnes sœurs expliquèrent au docteur Jullien de Saint-Lazare que ce vinaigre est destiné à donner appétit pour ces pommes de terre. — La mortalité atteint là, comme au Bon Pasteur, plus de 5 0/0 pendant la première année de séjour.

Donnons maintenant le règlement de 1778, œuvre du lieutenant de police Lenoir, et dont la police, voire les tribunaux font toujours le plus grand cas ; il défend tout logement aux filles et s’avère d’ailleurs ainsi en contradiction avec le précédent qui permet l’asphyxie en garni autorisé.


ordonnance de police du 6 novembre 1778

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Article premier. — Faisons très expresses inhibitions et défenses à toutes femmes ou filles de débauche de raccrocher dans les rues, etc…

Art. 2. — Défendons à tous propriétaires et principaux locataires des maisons de cette ville et faubourgs d’y louer ni sous-louer les maisons dont ils sont propriétaires ou locataires qu’à des personnes de bonne vie et mœurs, bien famées, et de ne souffrir en icelles aucun lieu de débauche à peine de 500 livres d’amende.

Art. 3. — Enjoignons auxdits propriétaires ou locataires des maisons où il aura été introduit des femmes de débauche, de faire dans les vingt-quatre heures leur déclaration par-devant le commissaire du quartier contre les particuliers ou particulières qui les auront surpris, à l’effet par le commissaire de faire leurs rapports contre les délinquants qui seront condamnés à 400 livres d’amende et même poursuivis extraordinairement.

Art. 4. — Défendons à toutes personnes, de quelque état et condition qu’elles soient, de sous-louer, jour par jour ou autrement, des chambres et lieux garnis à des femmes ou filles de débauche, ni de s’entremettre directement ou indirectement auxdites locations sous la même peine de 400 livres d’amende.

Art. 5. — Enjoignons à toutes personnes tenant hôtels, maisons et chambres garnies au mois ou à la quinzaine, à la huitaine, à la journée, etc…, d’écrire de suite, jour par jour et sans aucun blanc, les personnes logées chez elles