Page:La Revue blanche, t3, 1892.djvu/17

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krach du livre. Ce n’est qu’un mot à lancer. Il se trouve toujours une feuille quotidienne à gros tirage pour s’y laisser prendre, et c’est une occasion unique de placer une série d’interviews. On les réunit en volume, et quelquefois M. France fait un article. Mais nous tombâmes en des réflexions plus graves.

— Ma profession, dit Charles, mon caractère et ma réputation d’homme sérieux ont fait que j’ai collaboré activement, soit comme rédacteur, soit comme directeur politique, soit encore comme président du conseil d’administration, à de grands journaux politiques. J’ai exprimé des idées et rédigé des programmes. J’ai conçu ou reflété des idéals politiques. Assurément cela était d’une grande conséquence pour la nation. Nous sommes une démocratie et, dans une démocratie, c’est à l’opinion publique que tout se rapporte. Est-il, dès lors, un but plus noble que de l’éclairer ou de la diriger  ? J’ai cependant senti que mes efforts étaient vains encore que méthodiques. Le public devient indifférent à tout ce qui est pure politique. Il ne sait même plus se plaindre. Jacques Bonhomme paie toujours, mais il ne crie plus. Je considère que cette inertie est déplorable. Me citerez-vous l’exemple d’un seul journal qui tire à plus de quinze cents exemplaires une théorie de gouvernement ? Le talent des rédacteurs n’y fait rien : voyez M. Pelletan et la Justice. Il y a cinquante ans, un journal pouvait se suffire et jouer un rôle efficace dans la vie publique simplement par la netteté bien soutenue de ses opinions. Il était ce qu’on peut appeler l’organe d’un parti. Je crois qu’aujourd’hui il n’y a plus ni partis, ni passions politiques. Cela est déplorable. Celte indifférence générale devant la crise est aussi quelque chose d’offensant. Un changement de ministère devrait avoir son importance dans une nation bien organisée. Mais on attend les résultats d’Auteuil, et peu importe que nous conservions ou non M. Constans.

— Ne croyez-vous pas, lui dis-je, qu’il en est de