Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/570

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Or, dans ce phénomène central, les vitalistes localisent a priori une divinité hypothétique qui dirige l’activité individuelle. Supposons que le chien observateur de tout à l’heure ait conservé sa première idée de la pluie de poissons au large ; il aurait peut-être été amené à dire : « La pluie de sardines attire les bateaux vides avec le jusant et repousse les bateaux pleins avec le flot », et le mouvement des bateaux aurait fini par devenir pour lui la preuve de la pluie de poissons, de même que le langage psychologique nous contraint de croire à la liberté humaine. Il fût sage de ne pas parler ainsi et de résumer l’histoire de la pêche dans une formule qui ne préjugeait en rien des phénomènes intermédiaires inconnus.

Devons-nous donc renoncer à les connaître jamais, ces phénomènes intermédiaires ? Sont-ils au delà de l’horizon, de l’homme ? Beaucoup d’entre eux sont au contraire, accessibles à notre investigation, soit directement, soit indirectement, mais quand on commence à étudier les choses, il faut employer un langage qui ne préjuge en rien de ce qu’on découvrira ensuite, le langage global dont je viens de montrer les avantages ; si le langage contient des hypothèses a priori sur ce qu’on étudie, toute recherche est d’avance stérilisée. Croyant à la pluie de poissons, notre chien philosophe eût considéré comme tombée du ciel la sardine oubliée qui, pendant par les ouies à un filet, lui révéla le mystère de derrière l’horizon !

Nous commencerons en conséquence par employer un langage large et qui ne nous engage à rien ; mais à mesure que nous connaîtrons des faits nouveaux, nous deviendrons de plus en plus précis ; il arrivera souvent alors que nous serons renseignés à l’improviste sur des phénomènes intermédiaires primitivement négligés comme directement inabordables ; et ces renseignements inattendus nous seront, quelquefois fournis par l’observation de particularités qui ne nous auront pas paru d’abord avoir un rapport quelconque avec le fait sur la nature duquel elles nous éclaireront. Tout se tient en biologie et il ne faut rien négliger sous peine de passer à côté d’une source précieuse de lumière et d’interprétations. Tout fait bien observé peut servir à en expliquer d’autres.

Ainsi, l’étude de l’hérédité chez les êtres complexes comme l’homme et les animaux supérieurs, nous apprendra l’unité de composition de la cellule ; l’étude de la sexualité nous fera faire un premier pas dans la compréhension des phénomènes inter-