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Page:La Revue bleue, tome 49, 1892.djvu/4

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REVUE. | POLITIQUE ET LITTÉRAIRE

REVUE 1

BLEUE

FONDATEUR : EUGÈNE YUNG

DIRECTEUR : M. HENRY FERRARI

NUMÉRO 1

LA CONCLUSION DES GRANDES MANŒUVRES
Nouveaux règlements. — Nouvelle tactique.

En terminant notre récent article sur les grandes manœuvres[1], nous disions :

« … C’est l’instruction d’ensemble en vue du combat que les chefs de l’armée doivent prendre en main pour la faire marcher résolument dans une direction unique, logique et progressive. »

Il est bien certain, en effet, que si le haut commandement de l’armée entrait dans cette voie, il trouverait promptement les moyens les meilleurs pour y marcher jusqu’au bout.

La direction de cette instruction d’ensemble en vue du combat appartient au chef suprême de l’armée et à lui seul. C’est de la tête même que doivent sortir, bien arrêtées, toutes les doctrines dont s’inspireront ceux qui doivent concourir au développement de notre puissance militaire ; l’unité d’instruction ne sera obtenue qu’à ce prix. C’est à la tête de l’armée qu’appartiennent le contrôle et l’examen de toutes les idées résultant des inventions nouvelles, des événements contemporains ou des prévisions de l’avenir.

Depuis vingt ans, la direction de l’instruction en vue du combat a été flottante, malgré la bonne volonté du Conseil supérieur de la guerre et des nombreuses commissions qui fonctionnent au ministère. En effet, si le Conseil supérieur de la guerre est un guide éclairé, sûr et compétent, il n’est pas un agent d’exécution, pas plus que les commissions, vouées aux discussions diffuses et aux longues dissertations. Ces assemblées sont instables : elles peuvent résoudre des problèmes restreints et définis, mais elles ne sont pas en mesure de régler cette question de l’instruction pour la guerre, qui exige du temps et de la suite dans les idées : les modifications inévitables qui se produisent dans leur composition ne le permettent pas.

Tout le monde est heureux de reconnaître que, depuis vingt ans, le chef de l’armée a su condenser, unifier et diriger notre réorganisation militaire ; mais il n’est pas possible d’en dire autant au point de vue des manœuvres de combat et du commandement.

Il est temps d’y porter une attention persévérante et d’en assurer les progrès, car tous les efforts pour refaire la puissance et la grandeur du pays seraient perdus, si la valeur des troupes au combat n’était pas à la hauteur de leur nombre et du matériel perfectionné dont on les a dotées. Le chef de l’armée est d’ailleurs parfaitement en mesure d’entreprendre cette tâche, puisqu’en dehors des directions d’armes qui manqueraient d’unité et qui représentent chacune des intérêts différents, il a aujourd’hui près de lui un état-major général dans les attributions duquel ces travaux rentrent tout naturellement. Le troisième bureau de cet état-major général ne porte-t-il pas ce titre : « Opérations militaires et instruction générale de l’armée » ? Cette direction d’ensemble pour l’instruction des troupes et leur plus-value au combat, qui jusqu’à présent n’a marché qu’au hasard, sous des impulsions multiples et souvent différentes, doit être l’œuvre principale de l’état-major général, agent et outil du ministre.

  1. Voy. la Revue du 21 octobre 1891.