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LA REVUE DU MOIS

constituer à bord deux corps d’officiers de mentalité et de compétence absolument différentes, étant donné surtout que l’un d’eux est destiné, par ses fonctions, à commander à l’autre, et que ce commandement lui sera impossible s’il n’en connaît pas tous les éléments. On arrive ainsi à avoir deux corps trop spécialisés incapables de se substituer l’un à l’autre, ce qui est une nouvelle cause de mauvais rendement.

Aussi bien cette question brûlante paraît-elle se résoudre à l’étranger par une fusion plus ou moins intime des deux corps, car l’Amérique et surtout l’Angleterre ont admis que cette dualité très préjudiciable à l’unité de commandement ne pouvait se solutionner qu’en apprenant aux futurs officiers de marine la pratique nécessaire à la direction des machines : cette réforme entraîne un accroissement de la durée de l’enseignement, mais elle est très réalisable parce que les nouvelles connaissances sont données en remplacement d’anciennes, et d’ailleurs les résultats obtenus en Angleterre et publiés il y a quelques mois par l’Amirauté prouvent la possibilité et la facilité de cette innovation.

Ce serait sortir du cadre de cet article que de faire l’étude de cette réforme considérable, et d’ailleurs des objections d’ordre politique se dressent en France pour retarder l’avènement de cette réforme, malgré l’évolution du siècle qui l’imposera tôt ou tard. Si on considère que cette fusion des deux corps a le double but d’unifier la compétence et la mentalité, on peut bien actuellement ne pas poursuivre le premier de ces buts qui vise la compétence, car c’est un objet de discussions stériles que pourrait seul terminer un essai loyal que la marine ne veut pas entreprendre, mais on peut rechercher le second de ces buts qui vise la mentalité et demander l’unité d’origine des deux corps, ce qui entraînerait au moins la communauté de leurs idées ; c’est d’ailleurs le minimum de concessions faites dans les marines étrangères à la poussée industrielle moderne et aux nécessités de la marine de guerre à ce point de vue comme à beaucoup d’autres, la marine française est loin de tenir la tête du mouvement.

En résumé, nous demandons pour tous les équipages de la flotte une instruction plus éclectique, plus industrielle et plus