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LA VOUTE CÉLESTE

nous et auxquels nous comparons, sous le rapport de la distance, les astres et les nuages.

Il est instructif de rapprocher ce qui se constate pour la voûte céleste de ce qu’on observe pour la mer et les terres qui la bordent. Quand, venant de la haute mer, nous commençons à apercevoir la terre, le rivage, malgré les irrégularités qu’il peut présenter, baies, caps, estuaires, nous apparaît, comme l’horizon de la mer, circulaire. C’est l’analogue de ce qui se passe pour les étoiles qui nous apparaissent aussi, malgré leurs différences d’éloignement, disposées sur une surface à peu près sphérique.

La mer, observée du rivage, nous paraît aller en s’élevant vers l’horizon, bien que, en raison de la grandeur du rayon terrestre, nous puissions considérer la partie de sa surface visible pour nous comme horizontale ; de même les étoiles, les nuages vont en descendant vers l’horizon, et parfois même ils paraissent descendre en formant, comme la mer encore, une surface plane.

Supposons une multitude de nuages recouvrant complètement le ciel et situés tous à la même distance du sol : ils sont comparables alors au sol lui-même et on peut les considérer comme disposés horizontalement. Or, pas plus que la mer au-dessous de nous, ils ne nous paraîtront s’étendre horizontalement au-dessus de nous ils nous sembleront descendre vers l’horizon. La distance d’un nuage voisin de l’horizon nous paraît, comparée à celle que nous attribuons à un nuage voisin du zénith, relativement moindre que celle-ci ; elle est, par rapport à elle, comme on dit quelquefois, sous-estimée. C’est encore l’analogue de ce qui se passe sur la mer, où, comme le savent les marins et tous ceux qui ont habité les bords de la mer, les distances des objets éloignés sont aussi sous-estimées. C’est cette sous-estimation des distances qui explique précisément que la mer, au lieu de nous paraître horizontale, nous semble s’élever du rivage à l’horizon[1]. Là où les distances sont exactement estimées, l’illusion d’une élévation de ce genre ne se produit pas : ainsi, le plancher d’une pièce où nous nous tenons ne nous paraît pas s’élever, même lorsque nous regardons de nos pieds au mur qui se trouve en face de nous, et bien

  1. Je me permettrai de renvoyer le lecteur qui désirerait quelques détails à ce sujet à mon ouvrage La perception visuelle de l’espace, 1902, p. 265.