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RÉFLEXIONS OU SENTENCES

eux pour le bien que nous leur voulons faire, mais pour celui que nous en voulons recevoir. (éd. 1*.)

LXXXVI

Notre défiance justifie la tromperie d’autrui[1]. (éd. 2.)


    amitié, et nous ne nous donnons pas… (1665) — … c’est l’intérêt seul qui produit notre amitié, et nous ne leur promettons pas selon ce que nous leur voulons donner, mais selon ce que nous voulons qu’ils nous donnent. (Manuscrit.) — Pascal (IIIe Discours sur la condition des grands, édition Havet, tome II, p. 355) : « Qu’est-ce, à votre avis, que d’être grand seigneur ? C’est être maître de plusieurs objets delà concupiscence des hommes, et ainsi pouvoir satisfaire aux besoins et aux désirs de plusieurs. Ce sont ces besoins et ces désirs qui les attirent auprès de vous, et qui font qu’ils se soumettent à vous ; sans cela, ils ne vous regarderoient pas seulement. Mais ils espèrent, par ces services et ces déférences qu’ils vous rendent, obtenir de vous quelque part de ces biens qu’ils désirent et dont ils voient que vous disposez. » — La pensée de la Rochefoucauld paraît commune à Vauvenargucs (p. 84). — La Bruyère dit plus généreusement (du Cœur, n° 58, tome I, p. 209) : « Il faut briguer la faveur de ceux à qui l’on veut du bien, plutôt que de ceux de qui l’on espère du bien. » — Mme  de Sablé (maxime 22) : « Il y a une certaine médiocrité difficile à trouver avec ceux qui sont au-dessus de nous, pour prendre la liberté qui sert à leurs plaisirs et à leurs divertissements, sans blesser l’honneur et le respect qu’on leur doit. » — Dans une autre maxime (44), elle semble admettre que nous avons le droit de compter sur le bien que nos amis peuvent nous faire : « Encore que nous ne devions pas aimer nos amis pour le bien qu’ils nous font, c’est une marque qu’ils ne nous aiment guère, s’ils ne nous en font point quand ils en ont le pouvoir. » — Voyez ci-après les maximes 228, 247 et 298.

  1. Vauvenargues (p. 81) : « L’expérience justifie notre défiance ; mais rien ne peut justifier la tromperie. » — Sénèque (épitre iii) : Multi fallere docuerunt, dum timent falli, et aliis jus peccandi suspicando fecerunt. « Plus d’un, en craignant qu’on ne le trompe, enseigne aux autres à le tromper, et par ses soupçons autorise le mal qu’on lui fait. » — Charron (de la Sagesse, livre II, chapitre x) : « Il se faut bien garder de faire démonstration aulciuie de deffiance, quand bien elle y seroit et juslement, car c’est desplaire, voire offenser, et donner occasion de nous estre contraire. » — Voyez la maxime 84.