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RÉFLEXIONS OU SENTENCES

précipitation pour retourner à ce qu’ils veulent dire, au lieu (le considérer que c’est un mauvais moyen de plaire aux autres, ou de les persuader, que de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections qu’on puisse avoir dans la conversation[1]. (éd. 1*.)

CXL

Un homme d’esprit seroit souvent bien embarrassé sans la compagnie des sots[2]. (éd. 1.)

  1. Mme de Sablé (maxime 31) : « Une des choses qui fait que l’on trouve si peu de gens agréables, et qui paroissent raisonnables dans la conversation, c’est qu’il n’y en a quasi point qui ne pensent plutôt à ce qu’ils veulent dire qu’à répondre précisément à ce qu’on leur dit. Les plus complaisants se contentent de montrer une mine attentive, en même temps qu’on voit, dans leurs yeux et dans leur esprit, un égarement et une précipitation de retourner à ce qu’ils veulent dire ; au lieu qu’on devroit juger que c’est un mauvais moyen de plaire que de chercher à se satisfaire si fort, et que bien écouter et bien répondre est une plus grande perfection que de parler bien et beaucoup, sans écouter, et sans répondre aux choses qu’on nous dit. » — Mme de Sablé ajoute (maxime 62) : « Il y a une certaine manière de s’écouter en parlant, qui rend toujours désagréable ; car c’est une aussi grande folie de s’écouter soi-même quand on s’entretient avec les autres, que de parler tout seul. » — Meré (maxime 119) : « Parle peu et à ton rang, dit le sage : écoute beaucoup, et ne réponds qu’à propos. » — La Bruyère (de la Société et de la Conversation, no 67, tome I, p. 287 et 238) : « L’on parle impétueusement dans les entretiens, souvent par vanité ou par humeur, rarement avec assez d’attention : tout occupé du désir de répondre à ce qu’on n’écoute point, l’on suit ses idées, et on les explique sans le moindre égard pour les raisonnements d’autrui… » — Voyez les maximes 314, 510, et la 4e des Réflexions diverses.
  2. Vauvenargues (maxime 63, Œuvres, p. 380) : « Les gens d’esprit seroient presque seuls sans les sots qui s’en piquent. » — Aussi, Mme de Sablé déclare-t-elle (maxime 33) qu’ « il faut s’accoutumer aux sottises d’autrui, et ne se point choquer des niaiseries qui se disent en notre présence. »