Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t1, 1868.djvu/531

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JUGEMENTS DES CONTEMPORAINS. 39> XIV LETTRE DU CHEVALIER DE MERE A MADAME LA DUCHESSE DE ****. Vous voulez que je vous écrive, Madame, et vous me l’avez com- mandé de si boiuie grâce et si galamment, que je n’ai pu vous le I . Cette pièce a été signalée à l’attention du public lettré par M. Sainte- Beuve [Derniers Portraits littéritires , Paris, Didier, iSSa, iu-12, p. 116), qui l’apprécie en ces termes, aussi justes que délicats : « Elle nous rend la conversation d’un des hommes qui causaient le mieux, avec le plus de dou- ceur et d’insinuation, de ce la llocliefoucauld qui n’avait de chagrin que ses Maximes, mais qui, dans le commerce de la vie, savait si bien recouvrir son secret d’une envcl(j])pe flatteuse. La lettre du clievalier nous le montre devi- sant et moralisant dans l’intimité; si fidèle qu’ait voulu être le secrétaire, on sent, à le lire, qu’il n’a pu tout rendre, et l’on découvre bien, par-ci par-là, quelque solution de continuité dans ce qu’il rapporte. Il J" a, dit la Roche- foucauld (voyez la 4° des Réflexions diverses, p. 294, note 5), des tons, des airs et des manières , qui font tout ce qu’il y a d’agréahle ou de desagréable, de délicat ou de choquant dans la conversation ; mais quoique tout cela s’éva- nouisse dès qu’on écrit, on croit saisir dans le mouvement prolongé du dis- cours quelque chose même de ces tons qui faisaient de ce penseur amer un si doux causeur, et qui attachaient en l’écoutant. Cette page du chevalier devrait s’ajouter, dans les éditions de la Rochefoucauld, à la suite des Réflexions diverses, dont elle semble une application vivante. » Duplessis a suivi le pre- mier cette indiciition de M. Sainte-Beuve; nous la suivons à noire tour, après avoir corrigé et complété le texte de cette pièce sur l’édition originale {Lettres de M. le chevalier de M., Paris, D. Thierry et Cl. Barbin, 16S2, in-12, tome I, p. 83-91). C’est également sur l’indic.itioa de M. Sainte-Beuve [Portraits de femmes , M. de la Rochefoucauld, Paris, 1862, p. 271, i"’ note) que nous donnons, ci-après, deuxj’ables de la Fontaine, une ode adiessée à la Roche- foucauld par Mme des Houlières, Vode de la Motte sur l’Amour-proiire, et la réplique en vers du marquis de Saint-Aulaire. — Georges Gombauld de Plassac, chevalier de Meré , né, selon Moréii, vers la fin du seizième siècle, ou au commencement du dix-sei)tième, mort en i685, dans un âge fort avancé, était cadet d’une ancienne maison du Poitou. Après quelques ciimpagnes sur mer, il s’adonna aux lettres et au monde, où il lit fort bonne figure, et tint école de bon air et de bon s^oût. Pascal le consultait sur des questions scientifiques; Balzac et Ménage recherchaient son entretien ou sa correspondance, et il était en commerce assidu avec le maréchal de Clérembaut, le duc de la Rochefou- cauld, Ninon de l’Enclos, Mme de Sablé, Mme de Maintenon et la duchesse de Lesdiguières. Quant à Mme de Sevigné, elle paraît l’avoir eu en assez mé- diocre estime, au moins comme écrivain; dans sa Lettre du 24 novembre 1679 (tome VI, p. 96 et 97), elle lui reproche son chien de style. Il est vrai qu’il s’était permis défaire une critique ridicule, en collet monté, d’un esi/rit libre, badin et charmant comme f^oiture . Ses ouvrages ont été parfois confondus avec ceux de S(jn frère aîné, qu’on appelait plus particulièrement M. de Plassac de Meré, écrivain lui-même, et plus précieux encore que le chevalier. Les principaux écrits de ce dernier sont ses Maximes, Sentences et Reflexions morales et politiques (16S7), que nous avons souvent citées dans le courant de ce volume, ses Lettres (1682), et les Conversations du M. D. C. et du G. D. M. [du maréchal de Clérembaut et du chevalier de Meré, 1669). — On ne sait ni la date de la lettre que nous donnons, ni le nom de la personne à qui elle était adressée; on peut croire que c’était à la duchesse de Lesdiguières.