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SUR LA ROCHEFOUCAULD

avec Gourville[1], un motif du refroidissement de Foucquet pour notre duc, dans les intrigues de l’abbé, frère du premier, lié, comme nous le voyons dans les Mémoires de Mademoiselle[2], avec la Rochefoucauld.

C’est l’année qui suivit la disgrâce de Foucquet et la mort de Mazarin, que la Rochefoucauld reçut du Roi une marque éclatante de faveur : il fut promu, en décembre 1662, à l’ordre du Saint-Esprit. Plus tôt, le 11 juillet 1659, il avait obtenu une pension de huit mille livres[3]. Dans les années un peu antérieures, nous ne trouvons, en ce qui le concerne, qu’un petit fait à noter : Mme  de Motteville nous dit qu’il fut très-assidu auprès de la reine Christine de Suède, pendant son séjour à Paris, en 1656[4].


Arrêtons-nous un instant sur cette date de 1662 : on n’est encore qu’à dix années de la minorité, et l’on s’en croirait à un siècle. Mazarin est mort, le règne personnel de Louis XIV est commencé. Les factieux de la Régence n’ont pas seulement cessé d’être dangereux, mais, ce qui est, à toutes les époques, le signe d’une complète restauration du pouvoir, ils ont même cessé de le paraître. Encore quelques années, et Gourville, parlant des troubles de la Fronde, aura peur qu’on ne le soupçonne de narrer des légendes, et il écrira ces lignes significatives : « Les vieux qui ont vu l’état où les choses étoient dans le Royaume ne sont plus, et les jeunes, n’en ayant eu connoissance que dans le temps que le Roi a rétabli son autorité, prendroient ceci pour des rêveries, quoique ce soit assurément des vérités très-constantes[5]. »

La royauté est redevenue, non pas seulement une réalité, mais une personne. Les parlements ne songent plus à jouer le rôle d’états généraux ; ils ne sont plus que de dociles chambres d’enregistrement. La Fronde a fini par l’épuisement même des passions et des convoitises personnelles qui en avaient faussé l’esprit et l’objet ; elle s’est abîmée dans la lassitude gé-

  1. Mémoires de Gourville, p. 319-322.
  2. Tome III, p. 90.
  3. Bibliothèque nationale, fonds Gaignières, Fr. 21 405, p. 567.
  4. Mémoires de Mme  de Motteville, tome IV, p. 65.
  5. Mémoires de Gourville, p. 243.