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SUR LA ROCHEFOUCAULD

semblait trivial, de dévulgariser l’esprit et le langage, fit la faute de dépasser le but et d’exagérer la réforme. Mme de Longueville, au temps où elle était encore Mlle de Bourbon avait paru dans ce salon littéraire[1] ; la Rochefoucauld lui-même l’avait traversé à dix-huit ans, à côté du futur duc de Montausier, âgé de vingt et un ans. Puis les guerres civiles de la Régence étaient venues suspendre ces réunions. Les gentilshommes, encouragés par les belles alcovistes, étaient allés tirer l’épée pour ou contre la cour ; dès lors, « le temps de la bonne Régence » était fini[2]. La belle Julie elle-même avait quitté Paris pour suivre son mari M. de Montausier dans son gouvernement d’Angoumois. Après la Fronde, l’hôtel de Rambouillet rouvrit ses portes, mais sans retrouver sa vogue et son éclat ; il s’était d’ailleurs formé, à côté du cercle de la rue Saint-Thomas-du-Louvre, des cénacles imitateurs qui outraient malheureusement les défauts de la société mère, sans en garder les qualités ; le purisme y devint de l’affectation, et le bon air de la minauderie. La province, de tout temps en retard, eut ses ruelles, juste au moment où les ruelles devenaient de plus en plus « précieuses » et même « ridicules ». Ce sont ces sociétés d’admiration mutuelle, c’est cette « préciosité » en quelque sorte de reflet que raille Molière dès 1659, dans sa célèbre comédie. À Paris, la plupart des chevaliers et des suivantes d’Arthénice tenaient salon à leur tour, Mlle de Scudéry, Mademoiselle de Montpensier, Mmes de Sablé, de la Fayette, de Sévigné. La Rochefoucauld est l’hôte le plus assidu et le plus fêté de ces nouvelles réunions, où il a, tour à tour, deux femmes pour Égéries[3], d’abord Mme de Sa-

  1. Voyez V. Cousin, la Jeunesse de Mme de Longueville, 7e édition, p. 147-151.
  2. On connaît les vers de Saint-Évremond :

    J’ai vu le temps de la bonne Régence,
    Temps où régnoit une heureuse abondance.
    Temps où la ville aussi bien que la cour
    Ne respiroient que les jeux de l’amour.
    (Épitre à Ninon de l’Enclos, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, édition de M. Giraud, tome II, p. 538.)

  3. « On pourrait donner à chacune des quatre périodes de la vie de M. de la Rochefoucauld le nom d’une femme, comme Héro-