Page:La Rochefoucauld - Œuvres, Hachette, t2, 1874.djvu/78

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contrainte d’appeler ses femmes, et de leur laisser voir une partie du trouble et du désordre où elle était[1]. Le duc de Bouquinquan partit bientôt après, passionnément amoureux de la Reine et tendrement aimé d’elle ; il la laissait[2] exposée à la haine du Roi et aux fureurs du cardinal de Richelieu, et il prévoyait que leur séparation devait être éternelle. Il partit enfin sans avoir eu le temps de parler en particulier[3] à la Reine ; mais, par un emportement que l’amour seul peut rendre excusable[4], il revint à Amiens le lendemain de son départ, sans prétexte et avec une diligence extrême. La Reine était au lit : il entra dans sa chambre et, se jetant à genoux devant elle et fondant en larmes, il lui tenait les mains ; la Reine n’était pas moins touchée, lorsque la comtesse de Lannoy, sa dame d’honneur, s’approcha du duc de Bouquinquan et lui fit apporter un siège, en lui disant qu’on ne parlait point à genoux à la Reine. Elle fut témoin du reste de la conversation, qui fut courte. Le duc de Bouquinquan remonta à cheval en sortant de chez la Reine et reprit le chemin d’Angleterre[5]. On peut croire

  1. Voyez le récit à peu près conforme de la Porte (p. 296 et 297), et celui de Mme de Motteville (tome I, p. 15 et 16). Tallemant des Réaux (tome II, p. 10) charge l’incident à sa façon ; Retz (tome III, p. 237 et 238, édition Champollion, 1859) le raconte aussi d’une manière inexacte, et transporte la scène, en l’aggravant beaucoup, dans le petit jardin du Louvre.
  2. Laissa. (1817, 26, 38.)
  3. Les mots en particulier ne sont pas dans l’édition de 1817.
  4. Rapprochez des maximes 546 et 638, tome I, p. 232 et p. 266.
  5. Mme de Motteville (tome I, p. 18) raconte cette entrevue d’une manière un peu différente quant aux détails ; elle dit que la Reine, « sans peut-être être trop en colère », ordonna sévèrement à Buckingham de se lever et de sortir. Elle parle de la même manière que la Rochefoucauld de l’intervention de « la comtesse de Lannoy, alors sa dame d’honneur, sage, vertueuse et âgée, qui étoit au chevet de son lit. » — Le récit, moins vraisemblable, de la