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Page:La Saga du scalde Egil Skallagrimsson, trad. Wagner, 1925.djvu/18

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soutiennent, les personnages parlent et agissent conformément aux principes d’une psychologie saine et forte, psychologie spéciale aux aventurières populations du Nord, mais qui frappe par sa fermeté et sa grandeur. Pour juger avec impartialité les acteurs des scènes qui se déroulent, tantôt graves et solennelles, tantôt brusques, imprévues, étranges, il faut connaître l’état d’âme de ces vikings normands, il faut se représenter le fond de leur tempérament et la nature de leurs aspirations. Or, aussi longtemps que l’on se borne à lire les peintures que nous offrent la plupart des ouvrages classiques, aussi longtemps que l’on ne voit dans ces audacieux navigateurs de l’ancienne Scandinavie que de vulgaires pirates, des aventuriers sans idéal, sans cœur et sans merci, n’ayant d’autres préoccupations que de piller, de détruire et de tuer, on commet à leur égard une injustice flagrante.

Loin de nous l’idée de vouloir justifier toutes les déprédations commises par ces rudes batailleurs au cours de leurs lointaines pérégrinations. Mais tout chez eux n’est pas guerres et combats, rapines et violences. Il faut entendre battre leurs cœurs à l’évocation des idées de générosité et de dévoûment ; il faut les voir à l’œuvre dans le cercle restreint de leurs relations sociales ou familiales, ou bien dans l’élaboration de leurs hardies entreprises commerciales et colonisatrices. À peine est-il en mesure de manier les armes, que le jeune Scandinave, poussé par une envie irrésistible de voir d’autres pays et de conquérir gloire et richesses dans de lointaines et périlleuses aventures, se met au service d’un chef renommé ou entreprend des expéditions pour son propre compte. Quiconque ne se sent pas le goût des voyages et des combats devient facilement l’objet du mépris général. Bien que les vikings aient souvent dégénéré en véritables pirates sans scrupules et sans merci, il faut cependant établir une double distinction destinée, non pas à justifier, mais à expliquer la sauvagerie de leurs procédés et à atténuer, dans une certaine mesure, l’implacable sévérité du jugement que l’on est tenté de porter sur leur compte. Le paganisme scandinave ne réprou-